Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
Vom Netzwerk:
le grand magasin de fourrures situé trois portes à l'est de l'établissement Picard.
    —    Si vous voulez. Vous devez être aussi soulagé que moi de voir revenir le beau temps.
    Au plus fort de l'hiver, comme les commandes des magasins de détail faiblissaient, certains ateliers et manufactures mettaient à pied des travailleurs des deux sexes. L'augmentation du chômage ne faisait que réduire encore les ventes.
    —    Dans mon domaine, les variations saisonnières sont moins compliquées que dans le vôtre. Nous avons une seule bonne saison quand le froid arrive, les trois autres sont mauvaises. Mais vous devez savoir cela.
    Le ton chargé d'ironie rappela à Thomas que sa décision de produire et de vendre des fourrures avait provoqué bien des grincements de dents chez son collègue. C'était bien vrai : dans ce secteur, après les ventes de l'automne, le reste de l'année demeurait décevant.
    —    Vous avez connu une belle victoire, cet hiver, mais les résultats tardent à venir, continua le fourreur après une pause, désireux d'amener la conversation sur un autre sujet.
    Pour la première fois, le maire avait été choisi directement par les électeurs, plutôt que désigné par les échevins. George Garneau avait écrasé ses adversaires.
    —    Je ne vois pas ce que vous voulez dire. Depuis deux ans, les projets se multiplient sans cesse. Notre ville est plus belle que jamais.
    Les établissements publics existants étaient embellis, d'autres sortaient de terre. Les égouts s'allongeaient sous le sol, l'eau courante devenait disponible dans de nouveaux quartiers, le pavage faisait disparaître les rues de terre battue, les vieux trottoirs de planches cédaient devant ceux de ciment. La nuit, un nombre croissant d'artères profitaient d'un éclairage électrique. Le XX e siècle remplissait ses promesses.
    —    Je parle de ce foutu tricentenaire, précisa Laliberté. Au moment du bal, tout le monde évoquait des commémorations extraordinaires. Depuis, plus rien. Se pourrait-il que nos maîtres à Ottawa et à Québec aient décidé d'oublier Champlain?
    Un moment, Thomas se demanda si son collègue éprouvait une certaine nostalgie de l'ère conservatrice.
    —    Ces maîtres-là ne me font pas de confidences.
    —    Voyons, ne me racontez pas de sornettes. Vous êtes comme cul et chemise avec ces hommes.
    —    L'image me plaît... mais personne ne me tient au courant, je vous assure. En autant que je le sache, ces projets suivent leur cours. Je suppose que nous connaîtrons bientôt les désirs et les projets du comité du tricentenaire.
    Au coin de la rue de la Couronne, peu désireux de poursuivre cette conversation, Thomas décida de prendre le tramway jusqu'à la Haute-Ville. Aussi toucha-t-il son melon en guise de salut, puis expliqua en désignant la voiture électrique :
    —    Comme vous le voyez, mon carrosse doré est là.
    Un moment plus tard, il montait dans le petit véhicule.
    Comme il arrivait souvent, Thomas entra dans la maison de la rue Scott au moment où le reste de la famille passait à table. Il eut tout juste le temps de se laver les mains, puis rejoignit ses proches au moment du premier service.
    —    Comment fut la journée ? demanda Elisabeth, selon un rituel immuable.
    —    Harassante. Je devrais me multiplier pour tout faire.
    —Je peux abandonner le cours classique afin de t'aider, risqua Édouard.
    Cela aussi revenait sans cesse sur le tapis. Comme d'habitude, le père lui jeta un regard un peu lassé, puis continua :
    —    En plus, en sortant du magasin, le jeune Laliberté a couru après moi pour m'asticoter au sujet du tricentenaire. Il croit que tout a été annulé.
    —    Tu n'es pas passé par la bibliothèque ? questionna son épouse. Tu as reçu un petit mot de Rideau Hall. Attends, je vais le chercher.
    Elle s'esquiva un moment, revint avec une enveloppe élégante. Thomas l'ouvrit, sortit un carton puis lut à haute voix:
    —    Monsieur Thomas Picard, vous êtes convié à une rencontre avec Frank Lascelles, artiste, à qui le comité d'organisation des fêtes du tricentenaire a confié la mise en scène du pageant. La réunion aura lieu à la salle Empire du Château Frontenac le 11 avril prochain, à sept heures trente.
    Il tendit le carton à sa femme en ajoutant à l'intention des enfants :
    —    C'est signé par Son Excellence, le gouverneur général, Lord Grey.
    —    La salle

Weitere Kostenlose Bücher