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La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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premier enfant, sinon dès le moment de leur mariage. Mais dans le rayon des articles pour fumeur, comme dans celui des montres et autres produits de ce genre, situés à quelques pieds, certains employés lui paraissaient familiers.
    Quand la veille, James McDougall, attiré par la réclame publicitaire des journaux, lui avait proposé de l'accompagner dans «le plus grand magasin de l'est du Canada», elle avait longuement hésité : onze ans plus tôt, elle avait juré de ne plus remettre les pieds dans cet établissement. Peut-être convenait-il de surmonter son dégoût. Dans ce cas, ce serait certainement plus facile de le faire en compagnie de cet homme. A la fin, elle avait accepté.
    —    C'est amusant, ce bureau du télégraphe, commenta James en revenant près d'elle, une fois ses cartes postales déposées dans le courrier. Nous en profitons pour manger ici?
    —    ... Oui, pourquoi pas !
    Ils montèrent dans la petite cage aux parois de laiton de l'ascenseur. Un restaurant assez élégant occupait la moitié du dernier étage. Le couple s'installa à une petite table placée près d'une grande fenêtre encadrée, sur la façade, de deux colonnes de pierre. Sous leurs yeux se trouvait l'étroite rue Saint-Joseph, encombrée de passants plutôt pressés en ce samedi. De ce point de vue, ils dominaient le toit de l'église Saint-Roch, pour contempler plus loin les méandres boueux de la rivière Saint-Charles. Au-delà de l'eau, quelques rues quadrillaient un court espace. Très vite, elles s'arrêtaient à la frontière des champs cultivés. Au loin s'étendait la ligne violette des Laurentides.
    —    C'est tout de même un très beau pays, et je n'en ai vu qu'un tout petit bout.
    —    Avant de partir, voyagerez-vous un peu ?
    —    Je l'espère, mais je ne peux pas me permettre de jouer au touriste très longtemps. Que me conseillez-vous comme destination, Marie ?
    A leur second petit dîner en tête-à-tête, ils avaient convenu de s'appeler par leur prénom, mais le vouvoiement demeurait toujours de circonstance.
    —    Ce serait une pitié de ne pas voir Charlevoix. Puis notre grande ville, Montréal, vaut peut-être le détour... Quoique, si vous connaissez déjà Londres, ne perdez pas votre temps.
    —    J'y songerai.
    Une serveuse vint prendre leur commande, puis le repas s'étira une petite heure, meublé par leur conversation sur les beautés touristiques de la province de Québec. Au moment de payer l'addition, James McDougall demanda encore, en baissant la voix d'un ton :
    —    Vos absences ne causent pas de difficultés, au magasin?
    —    Si elles en posaient, je n'aurais qu'à refuser de vous
    accompagner.
    —    Je voulais dire, compte tenu de votre situation...
    Marie fixa l'homme de ses yeux sombres, puis murmura :
    —    J'aime bien votre compagnie, James. Mais je ne souhaite pas du tout discuter de ma «situation», comme vous dites, avec vous.
    À deux reprises déjà, son compagnon avait voulu aborder le sujet de son trouble: fréquenter une femme mariée le laissait mal à l'aise, surtout dans une toute petite ville soumise à ses prêtres, où chacun se trouvait exposé au regard inquisiteur de ses voisins.
    —    Je m'inquiète... des conséquences désagréables pouvant s'abattre sur vous.
    —    Ne craignez rien pour moi. J'arrive à contrôler ces... conséquences. De mon côté, je ne pose aucune question sur... vos proches.
    —    Je ne suis pas marié, tint à préciser le jeune homme.
    —    Je ne vous ai jamais demandé la moindre information à ce sujet. Je vous prie de laisser cet aspect de ma vie dans l'ombre.
    Quand McDougall se remémorait sa première rencontre avec le commerçant de la rue de la Fabrique, le souvenir de la poignée de main suspecte lui permettait de croire que Marie ne satisfaisait pas tous ses besoins avec lui. Cela lui avait donné une certaine audace. Lors de sa seconde rencontre avec Alfred, destinée à régler le solde de la première commande de tissu et à en présenter une nouvelle, la mine renfrognée de l'époux lui avait montré que celui-ci n'accueillait pas la présence d'un tiers dans une indifférence bienveillante. Heureusement, le temps des duels à la première lueur de l'aube était périmé.
    —    Entendu... Croyez-vous pouvoir m'accompagner mardi prochain ? J'aimerais profiter du congé pour effectuer
    une petite expédition.
    —Je le pourrai sans doute. Où

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