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La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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comptez-vous aller?
    —Je pensais à un pique-nique. On m'a dit le plus grand bien du point de vue en haut des chutes Montmorency. Il y a là un hôtel, un théâtre qui offre des comédies tout l'été...
    —    Je sais, je connais l'endroit.
    James s'était levé pour venir derrière elle afin de tirer sa chaise. Un moment plus tard, alors qu'ils marchaient vers l'ascenseur, il demanda encore :
    —    Acceptez-vous ?
    —    Avec plaisir. Si jamais j'avais un empêchement, je laisserais un message à la réception de votre hôtel. Signé Marguerite.
    Marie avait déjà utilisé ce pseudonyme une fois. Malgré son assurance affichée, elle préférait une certaine discrétion. Alors qu'ils montaient dans l'ascenseur avec deux clientes, tous les deux s'imposèrent le silence. Ce ne fut qu'au moment d'aller prendre le tramway que l'homme demanda encore :
    —    Où nous rejoindrons-nous ?
    —    À votre hôtel... Plus précisément, sur le trottoir, devant la porte. Ne me faites pas attendre, cela ferait mauvais genre.
    —    Comme c'est assez loin, je louerai une voiture et un cheval pour la journée. Rejoignons-nous à dix heures précises.
    La jeune femme acquiesça. Quand Alfred serait mis au courant de cette escapade, il en aurait pour quelques jours à montrer moins d'entrain que d'habitude. Néanmoins, Marie savait qu'il ne ferait rien qui soit susceptible d'alarmer les employées, ou les enfants.
    Curieusement, depuis qu'il soupçonnait sa femme de vivre une aventure, le marchand s'interdisait de retourner au
    YMCA ou au billard. L'abstinence, cette fois, lui venait d'une vague jalousie mêlée de crainte.
    Au cours de la soirée du samedi 20 juin, toute la population de Québec sembla se répandre dans les rues de la ville. Thomas Picard et sa femme s'étaient dirigés vers la terrasse Dufferin en sortant de table. Un peu après huit heures, Edouard passa la tête dans la porte entrebâillée du petit salon pour demander :
    —    La température semble idéale. Venez-vous marcher avec nous ?
    Eugénie marqua un moment d'hésitation. Le «nous», c'était son frère et Fernand Dupire. Ces dix derniers mois, celui-ci avait un peu espacé ses visites chez les Picard. La raison avouée de cette nouvelle discrétion était le poids des études universitaires sur ses épaules. Personne ne se trompait sur ses véritables motifs.
    La jeune fille consulta du regard son amie Elise Caron, puis accepta :
    —    D'accord, nous vous accompagnons. Où voulez-vous aller ?
    —    Contempler les magnifiques décorations de l'archevêché.
    Pareille distraction avait quelque chose d'étonnant chez
    ce garçon, mais les événements des prochains jours seraient tout à fait exceptionnels. Quelques minutes plus tard, ils se promenaient sur la Grande Allée, les garçons dans des costumes de lin léger arborant de fines lignes parallèles un peu plus foncées, un canotier sur la tête, un peu incliné sur l'œil. A leur vue, les badauds penseraient à des jumeaux totalement dissemblables, mais vêtus de la même façon.
    Les deux jeunes filles arboraient des robes unies, aux couleurs pâles. Si Eugénie portait un chapeau de paille, Elise montrait ses boucles brunes soigneusement coiffées. Comme il convenait, chacune avait mis des gants de dentelle. A cette heure, une ombrelle était superflue: bientôt, la pénombre s'étendrait sur la ville.
    A la hauteur de la rue d'Auteuil, ils croisèrent le couple Picard en route vers la maison. Après un échange de salutations, ils poursuivirent leur chemin. Edouard marchait devant, en offrant son bras à Elise. Après les commentaires sur la belle journée, il demanda à voix basse :
    —    Comment progresse la pêche ?
    —    ... Pardon?
    Elle comprenait parfaitement la métaphore, mais l'outrecuidance de la question la laissait sans voix. Le temps de le faire répéter, la jeune fille pourrait retrouver un semblant de contenance.
    —    Peut-être devrais-je dire la chasse au bon parti ?
    —    Je ne comprends pas...
    —    Voyons, le bal, l'automne dernier, c'était l'ouverture de la saison, n'est-ce pas ?
    —    C'est une façon tellement... brutale de présenter les choses.
    Le mot «grossière» lui était d'abord venu à l'esprit. Sa réponse, surtout son ton réprobateur, ne démontèrent pas le grand adolescent pour autant.
    —    Ma franchise fait tout mon charme. Vous ne le saviez pas?
    —    Je ne suis pas

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