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La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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ne le permettaient.
    À minuit, l'amiral Curzon-Howe offrit de nouveau son bras à madame Garneau et l'escorta jusqu'au Salon rouge, la salle du Conseil législatif, ce petit sénat provincial dont on ne remettait pas encore en question l'utilité. Des tables poussées contre les murs croulaient sous la nourriture. La jeune fille accepta un petit sandwich et une demi-douzaine d'huîtres, accompagnées d'un verre de vin blanc agréablement frais. Depuis midi, elle n'avait rien avalé. Un peu grise, elle déclara trente minutes plus tard :
    —    Je dois rentrer, maintenant.
    —    Pourquoi ? A Londres, les bals ne se terminent jamais avant le lever du soleil.
    Eugénie secoua la tête, agitant ses boucles blondes un peu défraîchies par les événements de cette trop longue journée.
    —    Non, je dois rentrer. Il y a une autre représentation demain, et encore les jours suivants. Si je veux être en mesure de bien jouer mon rôle, il me faut me reposer.
    —    Dans ce cas, je m'en voudrais de priver François I er de sa charmante petite sœur. Je vous raccompagne.
    L'homme lui offrit son bras en esquissant son meilleur sourire.
    —    Ce n'est pas nécessaire. Je vais prendre un fiacre.
    —Je ne vous escorterai donc pas plus loin que votre carrosse...
    Un moment, elle craignit qu'il ne l'appelle Cendrillon. Son ironie, au moment d'évoquer le métier de son père, pesait encore sur sa mémoire.
    Son bras accroché au sien, Eugénie parcourut les couloirs du palais législatif jusqu'à l'entrée principale, devant la fontaine du «Sauvage». Les mœurs de Québec différaient visiblement de celles de Londres, puisque la moitié des invités au moins paraissaient disposés à quitter les lieux sans plus attendre. Cinquante personnes marchaient dans l'allée, ou se tenaient sur la pelouse, en attendant le retour des cochers partis avec leurs premiers clients. Au moins, la pluie ne tombait plus. Une odeur riche, presque enivrante, montait de la terre mouillée. L'air semblait plus frais, plus pur.
    —    Comme aucune voiture ne se trouve dans les environs, je suppose qu'elles se sont toutes muées en citrouilles. Nous retournons danser ?
    Cette fois, Harris n'avait pas pu s'empêcher de référer explicitement au conte de Perrault. Curieusement, cela rappela à Eugénie l'époque où, dans sa chambre de la rue Saint-François, Elisabeth lui faisait la lecture à haute voix.
    —    Non, je dois rentrer. De toute façon, ce n'est pas très loin.
    —    Alors allons-y.
    —    ... Je peux marcher toute seule, protesta-t-elle.
    —    Voyons, je ne peux laisser une aussi jolie fille que vous seule dans les rues, à une heure pareille. La ville regorge de marins, sans doute saouls en ce moment.
    Rougissante, flattée par le compliment, un peu effrayée aussi, elle n'osa pas refuser. Le faire lui aurait semblé puéril, de toute façon.
    Les lampadaires, tout autour de l'édifice de l'Assemblée, jetaient des flaques de lumière jaunâtre sur le sol. Des papillons s'affolaient autour des globes de verre. La Grande Allée était tout aussi bien éclairée. Chemin faisant, le lieutenant Harris posa sa main sur celle de sa compagne, lovée sur son avant-bras droit, puis demanda :
    —    Cela vous dirait-il de me rejoindre demain après-midi, sur les quais ?
    —    Je ne sais pas... Je dois être sur les plaines d'Abraham un peu avant cinq heures, afin de me préparer pour la représentation.
    Frank Lascelles exigeait plutôt que tous les comédiens se trouvent là à quatre heures. Si elle s'attardait autant, le metteur en scène frôlerait la crise d'apoplexie.
    —    Vous ne souhaitez certainement pas rater l'arrivée du prince de Galles à Québec. Puis si je comprends bien la mentalité des populations des colonies, tous les comédiens vont sans doute vouloir assister à l'accueil de l'illustre personnage. Vous ne serez certainement pas plus en retard que les autres.
    —    Pas tous, murmura-t-elle.
    —    Pardon ?
    Elle leva son visage vers son compagnon, puis ajouta :
    —    Tous les comédiens ne se présenteront pas sur les quais. Ces gens se prennent pour des artistes accomplis. Ils ne déserteront pas.
    Après une pause, elle continua :
    —    C'est d'accord, je vais vous rejoindre. A quel moment serez-vous là ?
    —    L'horaire des navires, surtout au terme d'une traversée de l'Atlantique, demeure imprécis. Disons trois heures. J'ai vu un grand

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