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La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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la hauteur des yeux de son compagnon.
    —    Non, je suis à bord de l'Exmouth.
    Le ton trahissait une certaine déception. Au moment de revenir sur le pont, il offrit :
    —    Voulez-vous venir le visiter ?
    —    Non, je dois rentrer.
    —    Vous avez bien le temps. Demain, la représentation ne commencera pas avant cinq heures.
    Elle tendit la main, sortit la montre du gousset de son compagnon pour constater qu'il était plus d'une heure du matin.
    —    Reconduisez-moi.
    Une certaine tension dans le ton d'Eugénie lui indiqua que mieux valait obtempérer. Aussi Harris offrit son bras, pour la guider vers la longue échelle permettant de descendre jusqu'à la surface des flots. Elle attendit un long moment sur les dernières marches d'acier, la main droite serrée sur la rampe, à peu près protégée sous le grand parapluie, jusqu'à ce qu'une embarcation arrive. La navette la ramena bien vite sur le quai. À cette heure, avec l'averse, la plupart des touristes ou des citadins étaient déjà au lit. Aussi son cavalier trouva un fiacre sans trop de mal afin de lui permettre de rentrer rue Scott.
    Quand elle se réfugia sur la banquette, Harris demanda :
    —    Me rejoindrez-vous demain pour l'arrivée de Cham-plain dans la ville ?
    —    ... Quand?
    —A deux heures, toujours au même endroit.
    —    D'accord.
    Il referma la portière. Eugénie s'affala sur le siège, laissa échapper un soupir en fermant les yeux. La fatigue de cette longue journée, l'alcool, tout cela provoquait une sourde douleur qui irradiait depuis la base de sa nuque jusqu'au front.
    Chapitre 21
    Le retour de Samuel de Champlain à Québec, trois cents ans et quelques jours après la fondation de la ville, valut une journée de congé à tous les habitants de la vieille cité. Dès sept heures du matin, des bruits de tambour et de trompette troublèrent les personnes désireuses de profiter de l'occasion pour se livrer à la grasse matinée. Quinze mille soldats et miliciens canadiens, ainsi que des détachements modestes du Royaume-Uni arrivés sur les navires et dix mille marins venus des trois pays présents à ces fêtes, se regroupèrent d'abord sur les plaines d'Abraham. Jamais, même au moment de la Conquête, autant de personnes en uniforme ne s'y étaient massées. Puis à dix heures, au son des clairons et des tambours, drapeaux, étendards et oriflammes déployés, les bataillons s'engagèrent dans la Grande Allée.
    Sur les trottoirs de cette grande artère, puis le long des rues Saint-Louis, Buade, de la Fabrique, Saint-Jean, d'Youville, d'Abraham et de la Couronne, jusqu'au point d'arrivée, le marché Jacques-Cartier, des dizaines et des dizaines de milliers de personnes agitaient la main, s'égosillaient en «Bravo!» si puissants que les diverses fanfares, pourtant sonores, devenaient inaudibles.
    — Ceux-là, ils sont très beaux, commenta Thalie.
    Comme tous les spectateurs, elle s'était extasiée devant les détachements de cavaliers, dont certains portaient des uniformes aux couleurs vives décorés de galons d'or et des casques parés de plumes. Mais les Ecossais, dans leur kilt à carreaux, des bas jusqu'à mi-mollets, recevaient tous les
    suffrages féminins.
    —    Tu me vois, déguisé comme cela ? ricana Mathieu, accoudé avec sa sœur à la fenêtre de la chambre de cette dernière, son épaule contre la sienne.
    —    Pourquoi pas ? Du beau tissu de laine, avec plein de plis. Nous en vendons du pareil: cela revient très cher la verge.
    —    A la rigueur, je veux bien admettre que l'uniforme est beau, mais la musique est affreuse.
    Le son de dizaines de cornemuses faisait songer à un millier de cochons égorgés simultanément. Même la petite fille, bien disposée à l'égard des mœurs étranges de tous ces visiteurs, enfonça finalement le bout de ses index dans ses oreilles.
    —    Tu pourrais demander à papa de t'en offrir un. J'en ai vu dans les vitrines de chez Simon's.
    Elle voulait dire un kilt. Dans ce contexte propice à la nostalgie, bien des familles québécoises d'origine écossaise cherchaient le tartan propre à leur lignée.
    —    Je te laisse le plaisir de porter la jupe.
    Après le passage sous leurs yeux des derniers marins, les enfants demeurèrent à leur poste d'observation. Les bouquets de verdure et de drapeaux sur les devantures des édifices, les touristes nombreux, tout cela procurait un spectacle sans cesse renouvelé.
    Au

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