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La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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devez être trempée, déclara-t-il une fois près d'elle.
    —    Non, mais j'y ai échappé seulement parce que je vous attends ici depuis le début de l'averse.
    Le ton de reproche, les sourcils froncés, firent rire l'officier.
    —    Nous avions convenu dix heures et demie. Je ne pouvais deviner votre empressement à me revoir... Bonsoir, comment allez-vous ?
    Elle esquissa son premier sourire, puis répondit:
    —    Bonsoir. Je suis un peu lasse d'attendre, j'ai froid, mais à part cela je suppose que je vais bien.
    —    Alors, accompagnez-moi.
    —    Avec cette pluie ?
    —    Avec un peu de chance, vous échapperez à la douche. Venez.
    L'homme lui tendit le bras, tout en plaçant son large parapluie au-dessus de sa tête. Us se dirigèrent vers le quai où quelques vedettes exécutaient des allers et retours continus vers les navires ancrés dans la rade. Eugénie descendit prudemment les marches mouillées conduisant à l'embarcation. Tout le long du trajet, elle préféra demeurer debout en se retenant au plat bord, car les banquettes se couvraient d'une pellicule d'eau.
    La petite vedette se rangea contre la coque de fer de l'Albermarle. Harris monta l'échelle le premier, tendit la main vers sa compagne et la tint fermement jusqu'en haut. Les marches de métal se révélaient dangereusement glissantes. Au moment de mettre le pied sur le pont, elle constata que sa robe avait un peu souffert de l'orage.
    —    Si j'avais su que je risquais de me rompre le cou...
    —    Voyons, je vous tenais d'une main, je me cramponnais à la rampe de l'autre : vous ne risquiez rien.
    A la grande surprise de la jeune fille, de nombreux visiteurs des deux sexes s'entassaient sur le pont. Heureusement pour eux, de lourdes toiles tendues au-dessus de la surface de gros madriers les protégeaient de la pluie. Des fougères, dans de grands pots de cuivre, donnaient une allure presque normale à cette salle de danse improvisée. Des chaises et des fauteuils permettaient de se reposer un peu.
    — Si vous avez froid, le mieux serait de prendre quelque chose d'éprouvé dans ce genre de situation. Il y a une boisson tout indiquée pour l'Atlantique Nord...
    L'officier l'escorta jusqu'à une longue table où un assortiment de bouteilles attendait les invités. Eugénie se retrouva avec un grog chaud dans les mains. Si les premières gorgées lui réchauffèrent le corps, la part de gin lui monta à la tête. Son bras s'appuya plus lourdement sur celui de son compagnon en rejoignant la piste de danse.
    Alors que la pluie tambourinait sur les bâches tendues au-dessus des têtes, une douzaine de musiciens enchaînaient valse après valse. Le couple dansait une fois sur deux, se rendant près de la rambarde à chaque pause afin de contempler les autres navires illuminés ancrés à proximité, mais aussi les principaux édifices de la ville. L'Université Laval, le grand bureau de poste et le Château Frontenac, en particulier, paraissaient flamber sous les ampoules.
    La contemplation de la ville illuminée ne suffisait pas à Richard Harris. Sa main demeurait au creux des reins de sa compagne, descendait parfois sur ses fesses dans un geste de propriétaire, légère, pour remonter dans un souci de discrétion un peu tardif. Pendant tout ce temps, il l'entretenait de la vie en mer, mais aussi de son existence dans la campagne anglaise. L'alcool, la main caressante, les paroles, tout cela participait à la légère ivresse de la jeune fille.
    —    Voulez-vous visiter le navire ?
    Elle ne répondit pas, mais se laissa entraîner vers l'échelle de coupée. Raide et étroite au point de lui donner un petit vertige, l'aide de son compagnon lui permit d'atteindre les coursives, de marcher dans les entrailles du cuirassé, des cuisines à la salle des machines, de la salle à manger des officiers jusqu'au poste de commandement. Des ampoules encastrées dans les parois de fer, protégées par des verres épais, jetaient une lumière crue. De nombreuses jeunes filles de l'âge d'Eugénie profitaient aussi d'une visite guidée. Au moment de les croiser, elle baissait les yeux, peu désireuse de reconnaître quelqu'un, ou d'être reconnue. Plusieurs invitées se tenaient en compagnie d'un officier, les moins chanceuses avec un simple matelot. Toutes affrontaient des mains envahissantes.
    —    Ce n'est pas votre navire? questionna Eugénie, en remontant l'échelle de coupée, le postérieur ondulant à

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