Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
Vom Netzwerk:
recherché du Petit Séminaire. Même les curés, si peu portés à la tolérance, lui passaient de nombreux caprices et riaient de ses bons mots. A la fin, Fernand lui emboîta le pas.
    Depuis peu, le magasin Picard offrait un nouveau service : un charmant restaurant avait été aménagé au dernier étage. Les clientes, et quelques clients les jours de congé, pouvaient interrompre leurs emplettes pour combler un petit creux, puis les reprendre ensuite, rassasiés. Edouard opta pour une escalope accompagnée de pommes de terre et son camarade se contenta d'une tasse de thé.
    —    Tu es un véritable phénomène, commenta Fernand.
    —    Je suis vivant, j'en profite un peu.
    Un moment de silence suivit cette déclaration, puis son ami demanda encore :
    —    Que voulais-tu dire tout à l'heure, à propos de mon édification ?
    —J'ai menti un peu, je travaillais surtout à la mienne. Mais tu devrais en tirer profit aussi. Il y a deux jours, ma charmante sœurette t'a envoyé paître, n'est-ce pas ?
    —    ... Comment le sais-tu ?
    L'autre rougit jusqu'aux oreilles, hésitant entre fuir sans se retourner ou entendre son compagnon se mêler sans vergogne de sa vie privée.
    —J'ai deviné. Compte tenu de la mine que tu faisais en revenant de la cuisine, deux possibilités s'offraient à mon esprit d'analyse. Ou tu venais d'apprendre que tes parents avaient été dévorés par des cannibales après avoir dilapidé ton héritage, ou Eugénie t'avait signifié à l'instant qu'à ses yeux, tu ne présentais pas un meilleur parti que le laitier.
    Fernand accusa le choc, serra les poings sur les bras de sa chaise plutôt que de les lancer au visage de l'indélicat. A la fin, il se détendit un peu et admit à contrecœur :
    —    Je l'aime.
    —    Tu es bien trop jeune pour t'engager. Trois ans à l'Université Laval, une année de cléricature ensuite. Il s'écoulera une éternité avant que tu reçoives tes premiers honoraires.
    —    Mes parents m'aideront... Puis un autre peut lui proposer le mariage d'ici là, si j'attends...
    Edouard mastiqua une bouchée tout en secouant la tête devant tant de sottises. Après avoir dégluti, il décréta:
    —    Ne perds pas ton temps avec elle, la donzelle ne veut pas de toi. Passe à autre chose. Au terme de tes études, tu feras le tour des salons de la Haute-Ville afin de dénicher la mère de tes héritiers.
    —    Tu ne comprends pas ce que je dis? Je l'aime. Penses-tu vraiment que j'ai passé la moitié des trois dernières années chez tes parents pour tes beaux yeux? Je voulais l'apercevoir. ..
    —    Tu viens de me dire à mots couverts que tu ne veux pas de moi, et je ne prends pas une mine abattue. Fais la même chose avec elle.
    Seul le sourire désarmant d'Edouard lui permit d'éviter de recevoir une tasse de thé en pleine figure. Après une pause, il continua, plus sérieux:
    —    Crois-moi, tu ne perdras pas au change. Dix-sept années avec elle m'ont appris que ce n'est pas une compagne si agréable. Heureusement qu'il y a eu le couvent pour me permettre de respirer un peu. J'étais enfant unique presque dix mois sur douze.
    —    Elle ne me trouve pas assez bien pour elle.
    —    C'est vrai. Et puis après ?
    L'autre ne répondit pas. Edouard changea de ton quand il enchaîna :
    —    Pense à ce jeune travailleur. Plus jeune que toi, réduit à l'état de viande froide. Ne gaspille pas des années à te languir pour elle.
    —    Tu as une façon de me remonter le moral !
    Le dépit marquait la voix de Fernand, mais en même temps il esquissa un demi-sourire. Son interlocuteur poursuivit son avantage :
    —    Regarde cela comme une occasion d'affaires.
    —    Je sens que tu vas m'asséner un autre morceau de ton implacable logique.
    —    Tu arrives sur le marché du mariage avec un certain capital: ton embonpoint précoce, tes cheveux prêts à s'envoler, la grosse maison et l'étude de notaire dans la Haute-Ville que te léguera ton père, avec toute sa clientèle bien nantie en prime. Eugénie pense obtenir mieux que cela avec ses yeux comme des billes de verre bleu pâle et ses bouclettes d'un blond un peu fade. Sans compter son caractère de chien.
    —    Et en conséquence de mon piètre physique, je me retrouverai avec le laideron de la Grande Allée. Aucune femme un peu séduisante n'épouse un cabinet de notaire. Cela n'a rien d'excitant.
    La tasse de thé prenait un goût

Weitere Kostenlose Bücher