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La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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bancs de l'église, plusieurs portant le sceau de leur union ouvrière, épinglé sur la poitrine ou sur une écharpe passée sur leur épaule. D'ailleurs, les membres d'une association donnée écoutaient ensemble la cérémonie.
    A quelques reprises dans le passé, les travailleurs avaient célébré le 1 er mai, comme le faisaient leurs camarades en Europe. Aux Etats-Unis, afin de faire échec à une tradition empreinte de socialisme, on avait proposé bien vite un jour férié apolitique, en septembre. Au Québec, cette récupération était poussée un peu plus loin. La célébration de la fête du Travail commençait par une messe, afin de placer ce jour sous de meilleurs auspices encore. La cérémonie se révélait cependant bien matinale, car le programme était ambitieux.
    L'abbé Emile Buteau livra un sermon de convenance sur saint Joseph, le patron des ouvriers, et la sainteté du travail effectué chrétiennement pour gagner sa vie. Il ressortait de ce discours que les travailleurs devaient éviter de remettre en cause l'ordre social voulu par Dieu, et accepter leur sort avec soumission. L'ecclésiastique conclut sur l'absolue nécessité d'éviter les plaisirs coupables qu'offraient une journée de congé, insistant en particulier sur les dangers des passe-temps empruntés aux Américains. L'allusion fit sourire Edouard.
    La seule qualité du curé fut d'être bref. Un peu après sept heures trente, les Picard se tinrent sur le parvis de la vieille église Saint-Roch afin de serrer la main des travailleuses et des travailleurs du magasin et des ateliers désireux de recevoir cette attention.
    —    Est-ce bien nécessaire, papa ? murmura Eugénie avec une moue dégoûtée.
    —    Ces gens-là te permettent de porter de jolis vêtements
    d'un rouge criard et d'habiter une grande maison !
    —    Porter le nom d'une impératrice lui a monté à la tête, ricana Edouard. Elle a fini par croire qu'elle en était une. Elle attend son empereur et méprise le petit peuple.
    La première femme de Thomas, toute à ses idées de grandeur, avait donné le nom de l'impératrice de France à sa fille et celui du prince héritier de la couronne du Royaume-Uni et de l'Empire des Indes à son fils. Pareille prétention portait à conséquence... au moins une fois sur deux.
    L'arrivée près d'eux d'un groupe de jeunes vendeuses les força à offrir leur meilleur sourire. Thomas se rappelait le plus souvent des noms et prénoms de ses employés des deux sexes. Parfois, Edouard lui rafraîchissait la mémoire discrètement. Il serrait les mains, présentait les gens à sa fille et à sa femme. Son garçon n'était plus un inconnu pour personne. Elisabeth essayait de compenser la mine ennuyée d'Eugénie en affichant son meilleur sourire, demandant d'une voix douce à ses interlocutrices, en les fixant dans les yeux:
    —    Aujourd'hui, avez-vous prévu de faire quelque chose de spécial ?
    Elle voulait dire en plus de venir assister à une messe très matinale un lundi matin.
    —    Nous nous joindrons au pique-nique du cap Tourmente, répondirent certaines.
    Les employés de Thomas Picard ne faisaient partie d'aucun syndicat - et le commerçant entendait tout faire pour que cela n'arrive pas -, mais ceux-ci pourraient tout de même profiter de l'expédition organisée par le Conseil central des unions ouvrières. D'autres répondirent souhaiter assister aux compétitions sportives qui se tiendraient dans tous les parcs et les terrains vagues de la ville.
    —Je vous souhaite du beau temps, leur disait l'épouse. C'est un peu gris ce matin, mais le vent devrait chasser tous ces nuages bientôt.
    Quand Ovide Melançon arriva près d'eux avec quelques collègues du service des livraisons, Edouard s'avança pour lui serrer la main le premier, puis le présenta à son père en disant :
    —    Voilà l'un des mercenaires de Louis-Alexandre Taschereau... Mais tu es certainement au courant.
    Un gros clin d'œil signifia au commerçant que son fils saisissait maintenant les dessous de la vie politique dans la paroisse Saint-Roch. Le garçon enchaîna à l'intention du travailleur :
    —    Tu feras quoi, cet après-midi ?
    —    Je pense aller voir la partie de baseball. Cela promet d'être intéressant.
    —    Tellement que j'y serai aussi. Tu es célibataire? Je te présente ma sœur, Eugénie.
    La jeune fille, rouge de colère, dut accepter la main tendue. L'humour s'avérait un peu cruel, et

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