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La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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m'excuser, je dois rentrer.
    Son aîné hocha la tête, sourit de toutes ses dents avant de répondre, moqueur :
    —    Transmets mes salutations aux enfants et à leur jolie préceptrice.
    —    C'est ma femme depuis plus de dix ans, je te le rappelle. Bonsoir..., puis après une pause l'homme murmura:
    —    Madame.
    Après avoir soulevé son chapeau, Thomas tourna les talons. Marie continua un moment à fixer le dos de son beau-frère, alors que les yeux de Thalie allaient de sa mère à son oncle, intrigués. Quant à Mathieu, l'atmosphère glaciale des rencontres de ce genre lui était déjà familière.
    —    Nous rentrons ? proposa finalement Alfred en tendant la main à sa femme. Ces enfants devraient se trouver dans leur lit depuis un moment déjà. Heureusement qu'il n'y a pas
    d'école demain.
    Le quatuor traversa la rue de la Fabrique avec précaution, car en ce dimanche soir les voitures demeuraient encore nombreuses. La journée du 1 er septembre s'achèverait bientôt.
    Chapitre 5
    Malgré leur migration plutôt ancienne dans le quartier le plus huppé de la ville de Québec, la famille Picard s'astreignait à un certain nombre de pèlerinages annuels dans la paroisse qui lui avait valu sa prospérité. Le lundi matin, avant même le lever du soleil, tous se trouvaient debout afin de revêtir leurs habits du dimanche.
    Quand ils se retrouvèrent dans l'entrée, Thomas regarda sa fille et demanda, après avoir secoué la tête, un peu découragé :
    —    Cette couleur, crois-tu que cela convient aujourd'hui ?
    Comme par le passé, chacun affectait de reproduire la plus
    belle vitrine du grand magasin, proposant aux regards des curieux les meilleurs vêtements disponibles dans ses rayons. Eugénie arborait une robe d'un rouge un peu trop voyant, descendant aux chevilles, et une courte veste se terminant à la taille. Son chapeau de même couleur, aux rebords très larges, dissimulait en partie ses boucles blondes.
    —    Regarde dehors. Ce n'est plus le temps du blanc ou du pastel. L'automne est là !
    L'homme échangea un regard agacé avec sa femme. Celle-ci donnait pourtant l'exemple. Plutôt que l'ostentation de sa belle-fille, Elisabeth s'en tenait à une jupe bleue, un chemisier de même couleur, dans un ton un peu plus pâle, une veste plutôt ample. Son chapeau demeurait modeste, sans cet encombrement d'oiseaux, de fruits, de fleurs ou de rubans un peu ridicule que l'on voyait parfois. Ceux qui se rappelaient de son allure dix ans plus tôt reconnaissaient sa silhouette fine, son port élégant, et concluaient que malgré sa bonne fortune d'avoir épousé son riche patron, elle ne faisait pas plus sa fière qu'une autre.
    Mais justement, la grande adolescente tenait à se distinguer de la mise raisonnable de sa belle-mère.
    —    Du rouge, pour aller à la messe ! pesta le commerçant, sachant qu'il n'aurait pas gain de cause.
    —    Regarde plutôt l'allure débraillée de celui-là, riposta-t-elle en désignant son frère du menton.
    Depuis toujours, Edouard favorisait les ensembles de coupe américaine, plus décontractés et confortables, évitait de trop serrer sa cravate et se promenait tête nue de mars à novembre. Ce débraillé très étudié convenait tout à fait à un fils de bonne famille encore jeune.
    Le chef de famille offrait quant à lui la prestance de l'homme satisfait de sa réussite avec un costume anglais de la meilleure coupe. Plutôt que de se mettre tout à fait de mauvaise humeur en poursuivant cette discussion, il décrocha de la patère son Homburg, un chapeau de feutre d'un modèle allemand popularisé par le roi Edward VII, puis grommela entre ses dents :
    —    Allons-y, si nous sommes tous prêts. La voiture nous attend.
    Au moins, aucun n'avait songé à avaler un petit déjeuner avant de prendre place dans la calèche. Pour paraître proches de Dieu, les patrons canadiens-français devaient fréquenter assidûment le banquet de la sainte communion, ce qui signifiait demeurer à jeun.
    À six heures trente, les Picard prirent place dans un banc de l'église Saint-Roch donnant sur l'allée centrale, à l'arrière du temple. Plus question de se placer à l'avant, les premiers parmi les notables. Maintenant, leur église paroissiale était la basilique de Québec, où Thomas disputaient les meilleures
    places à des lignées plus prestigieuses que la sienne.
    En ce premier lundi de septembre, surtout des hommes occupaient les

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