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La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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personnes à la fois. La situation actuelle devrait toutefois le préoccuper un peu plus, car si les conservateurs l'emportent dans un an, il perdra sa sinécure.
    —    Puisque Borden promet de mettre fin au patronage, c'est-à-dire arrêter le remplacement de tous les hauts fonctionnaires lors d'un changement de gouvernement, peut-être Parent va-t-il mener une campagne énergique pour porter les conservateurs au pouvoir, avec l'espoir de garder son poste.
    Garneau esquissa un petit sourire en imaginant un pareil changement d'allégeance, puis remarqua à voix basse :
    —    Borden n'est pas stupide au point de s'encombrer d'un fauteur de troubles comme lui. Surtout, les passages d'un parti à l'autre ne sont plus aussi faciles que du temps d'Israël Tarte.
    Les changements d'allégeance trop opportunistes suscitaient désormais des railleries. L'ancien premier ministre se trouvait condamné à la fidélité.
    —    Irez-vous chez notre ami d'Ottawa, afin de l'entretenir de tout cela de vive voix? poursuivit-il après une pause.
    —    C'est un travail de politicien... Lomer Gouin, ou même vous, pouvez vous en charger. Avec tout ce que j'ai perdu, je dois retourner à mon commerce.
    —    Voyons, vous ne nous laisserez pas tomber comme cela.
    En effet, Thomas ne le pouvait pas. Pendant toute sa vie adulte, ses efforts pour porter, puis maintenir, les libéraux au pouvoir n'avaient pas eu de cesse.
    Dans une ville de la taille de Québec, les rencontres fortuites ne se produisaient pas très souvent, et la plupart du temps il suffisait simplement de fixer les yeux au sol et de continuer son chemin. Parfois cependant, afficher un minimum de civilité s'avérait nécessaire.
    Le grand escalier majestueux de l'hôtel de ville donnait sur la rue Desjardins, mais une autre porte permettait d'accéder à la cour longeant la rue de la Fabrique. Thomas Picard avait utilisé cette sortie afin de rentrer chez lui... pour buter littéralement dans toute la famille de son frère, Alfred, sur le chemin du retour à la maison.
    —    Tiens, tiens, commença l'aîné d'un ton amusé, songes-tu à te présenter au conseil municipal ? Tes chances seraient meilleures si tu habitais toujours Saint-Roch, où tu fais figure de potentat. La Haute-Ville regorge de personnes ambitieuses, parfois avec un pedigree digne d'un cheval du roi Edward VII. Surtout, l'échéance t'a sans doute échappé: l'élection se tiendra l'an prochain seulement.
    —    Non, je ne veux pas me présenter, et non, je n'avais pas oublié la date, répondit Thomas en prenant la main tendue.
    Un peu mal à l'aise, l'homme enchaîna en s'exclamant:
    —    Mathieu, comme tu grandis ! Bientôt, tu me dépasseras de quelques pouces. Thalie, tu es toujours aussi ravissante.
    Son regard passa d'un enfant à l'autre, alors que ceux-ci rosissaient un peu, l'air gêné. Pour des personnes élevées dans un commerce, habituées dès le plus jeune âge à saluer les clientes à haute et intelligible voix, leur mutisme trahissait un certain désarroi. La cause de ce trouble se tenait derrière eux, une main crispée sur l'une de leurs épaules. C'était pour leur mère la meilleure façon de ne pas avoir à tendre la droite vers son beau-frère.
    —    Madame Marie, j'espère que vous allez bien.
    Elle fixa ses yeux sombres, de la couleur du soir qui tombait sur la ville, dans les yeux gris de Thomas, tout en serrant les dents. Ses doigts agrippèrent plus fort les épaules des enfants, puis relâchèrent un peu leur emprise.
    Désireux de détendre l'atmosphère, Alfred continua d'un
    ton joyeux:
    —    Je me doute bien que tu ne peux oublier ces dates : une élection municipale, une provinciale et une fédérale prévues pour 1908. Tu n'auras certainement plus le temps de t'occuper de ton magasin.
    —    Tu veux proposer tes services pour assurer l'intérim ?
    —    Non, je me contente de ma petite boutique... Parlant affaires, tu n'as pas trop souffert de la catastrophe ?
    L'éventail des investissements de Thomas n'échappait pas à son frère. Sans connaître le détail, il devinait que ses pertes devaient atteindre un joli montant.
    —Je ferai face, répondit l'autre dans un murmure dépité.
    —    Si tu manques de liquidités, fais-moi signe, commenta Alfred avec un clin d'œil, railleur. Je verrai si je suis en mesure de t'aider.
    —Je suis heureux que les choses aillent si bien pour toi... Si vous voulez

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