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La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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Eugénie.
    —    Ce qui, d'un oncle pour sa nièce, pourrait faire jaser, ricana Edouard.
    —    ... Mais elles sont très belles, continua-t-elle en ignorant l'interruption. Puis elle lut les mots écrits d'une main ferme et élégante sur le bristol: «Impératrice Eugénie, je te souhaite que la femme demeure aussi passionnée que la fillette l'a été. »
    Heureusement, Edouard eut le bon goût de ne pas formuler à haute voix sa réflexion : « Avec ces mots, heureusement que les roses sont blanches.» Des yeux, il apprécia la silhouette gracile de sa sœur, se dit encore que le mot «acariâtre» aurait mieux convenu que «passionnée».
    —    Si vous voulez passer à table, tout est prêt.
    Comme s'il obéissait à un signal silencieux, Thomas sortit à ce moment de sa bibliothèque, sanglé dans son meilleur costume. Heureusement, l'idée de revêtir un habit de soirée avait très vite été abandonnée : le plastron de celluloïd et la queue-de-pie lui paraissaient trop ostentatoires pour ces circonstances. En quelques mots, il souhaita la bienvenue à chacune des visiteuses, puis les guida vers la salle à manger.
    Devant son couvert, Eugénie découvrit deux présents. Elle commença par ouvrir une petite boîte contenant une broche fort jolie, offerte par Edouard. Devant un effort si louable, elle ne put se soustraire à l'obligation de quitter sa place pour aller lui faire la bise. Il avait été convenu d'ouvrir les présents entre les services. Avant le plat principal, la jeune fille aperçut un rang de perles de culture dans un écrin ivoire. Une nouvelle fois, avec un air emprunté, elle se leva pour faire la bise en disant:
    —    Merci, Elisabeth, c'est très joli.
    La mauvaise grâce paraissait si évidente que les visiteuses échangèrent un regard entendu. Puis au moment où Jeanne commença à débarrasser la table des grandes assiettes, afin d'apporter bientôt le dessert, Thomas fit mine de se souvenir soudainement de quelque chose, chercha dans les diverses poches de sa veste avant de dénicher une enveloppe dans la dernière.
    —    Enfin, la voilà, marmonna-t-il en la tendant à sa fille.
    Cette mauvaise scène servait à faire baver d'impatience toutes ces jeunes filles. Pour quelqu'un dans la position de Picard, un seul présent pouvait souligner l'entrée de son aînée dans le monde adulte. Eugénie ouvrit le pli, sortit un joli carton crème et lut à haute voix:
    —    Très chère fille, au cours de ta vingtième année qui commence aujourd'hui, tu pourras embarquer sur l'Empress of Ireland afin de te rendre en Europe.
    Mine de rien, la jubilaire sauta par-dessus quelques mots en rougissant, puis continua :
    — Dès que la date sera arrêtée, nous irons ensemble chercher les billets dans les bureaux du Canadien Pacifique.
    Thomas posa sur sa fille un regard excédé, pendant qu'Elisabeth feignait de devoir se rendre à la cuisine afin d'aider à préparer les assiettes pour le dessert. Eugénie avait soigneusement évité de lire à haute voix les derniers mots de la première phrase : « en compagnie de ta mère ».
    Par la suite, la tension autour de la table devint palpable, à un point tel qu'Elise, affichant un humour qu'Edouard ne lui connaissait pas, se pencha vers lui pour lui souffler à l'oreille :
    —Je crois que je me passionnerai pour l'entretien des tapis, au cours des prochaines semaines.
    Cette confidence murmurée à l'insu des autres convives heurtait sérieusement les usages. Elle se croyait maintenant autorisée à tous les accrocs.
    —Je vous en conjure, permettez-moi de venir vous aider. Cela doit être tellement plus... serein.
    Elle étouffa un fou rire alors qu'Elisabeth revenait en poussant un petit chariot devant elle. Un gâteau décoré de dix-neuf bougies allumées en occupait le centre, et les assiettes et les couverts, la périphérie. Jeanne suivait derrière avec une théière embaumant le Earl Grey. Pourtant, l'atmosphère n'était plus guère à la fête.
    Le tribunal familial se tenait dans la bibliothèque. Le juge trônait bien calé dans le siège derrière le bureau, alors que le coupable se tenait penaud sur la chaise placée devant. Edouard y avait paradé assez souvent pour des vases brisés dans la maison et des carreaux cassés chez les voisins. Dans ces cas, Thomas contrôlait mal son envie de sourire.
    Devant Eugénie, cela ne lui posait aucune difficulté.
    —    Décidément, tu es déterminée à

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