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La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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il est de notoriété publique que seules les femmes de ce pays savent tenir une aiguille, ironisa-t-il.
    —    Elle a bonne réputation, intervint Elisabeth, soucieuse d'afficher la meilleure volonté du monde.
    L'homme échangea un regard avec sa femme, apprécia son effort destiné à améliorer ses relations avec sa belle-fille. Dans les circonstances, mieux valait jeter l'éponge.
    —    Cette dame doit être capable de proposer un éventail de modèles, admit-il. Si elle est si bien, tu ne seras pas la seule à aller la voir.
    —    Mais j'ai déjà choisi un patron. Attends, je vais le chercher.
    Elle sortit de la pièce bien vite, ses pas retentirent dans l'escalier.
    —    Visiblement, ce moment a été soigneusement préparé, remarqua Thomas. Ai-je cédé trop vite ?
    —    De toute façon, tu n'as pas le choix, répondit sa femme dans un sourire. C'est ta fille, elle ne peut pas aller au bal dans une robe de chez Picard.
    —    Voilà une logique qui m'échappe totalement.
    Eugénie rapporta une grande enveloppe jaunie par l'âge.
    Elle sortait du vieux patrimoine d'Euphrosine, qui commandait déjà des patrons à Paris et à Londres avant même que la fédération canadienne existe.
    —    C'est une robe portée par l'impératrice Eugénie à un bal tenu à Paris en 1865, expliqua-t-elle en lui remettant le patron.
    Elisabeth quitta sa place afin de regarder aussi sur l'enveloppe le dessin de la grande robe d'un rouge passé. Elle datait de l'époque des immenses crinolines, qui faisaient un cône de tissu, plus large que haut, d'où émergeait le haut du corps des femmes.
    —    C'est... très démodé, commenta Thomas. Je ne me souviens même pas d'avoir vu des femmes affublées ainsi au cours de ma jeunesse.
    Cela n'avait pas de quoi surprendre : les bals se révélaient rares dans le faubourg Saint-Roch, et aucune femme ne venait à l'église paroissiale dans un accoutrement pareil.
    —    C'est là toute l'idée : c'est le bal du tricentenaire. Plusieurs de mes amies porteront des robes ayant une connotation historique.
    —    Dans ce cas, vas-y habillée en Marguerite Bourgeoys ! proposa Edouard en s'esclaffant.
    Presque tout un repas sans dire un mot laissait présager des moments cocasses, pour rétablir l'équilibre.
    —    Idiot, rétorqua-t-elle en lui jetant un regard condescendant. Cette religieuse habitait Montréal.
    —    Si je comprends bien, tu ne peux pas porter la robe d'une personne de Montréal, mais celle d'une espagnole vivant à Paris peut très bien faire l'affaire. Tu crois vraiment que c'est moi, l'idiot?
    D'un geste de la main, Thomas indiqua à son fils de se tenir coi, puis il exprima la première de ses inquiétudes :
    —    Avec un modèle de ce genre, cette robe ne pourra être portée qu'une fois. Au prix qu'elle coûtera...
    —    ... Je pourrai aussi la mettre à Noël.
    —    Et pour courir la guignolée, et même pour le Mardi gras, gloussa encore Edouard.
    En étouffant un fou rire, Elisabeth tendit la main en direction du garçon, posa sa paume sur sa bouche pour le faire taire. Elle commenta:
    —    Je pense que toutes les cérémonies du tricentenaire te coûteront le prix de quelques robes à usage unique, et pas seulement pour ta fille.
    Comme il espérait que ce serait le cas dans de nombreuses maisonnées, Thomas se rassura en pensant améliorer le chiffre d'affaires de son commerce en proportion de ses
    propres dépenses. Il continua :
    —    Puis le décolleté de cette robe atteint le nombril. Habillée comme cela, le garçon que tu épouseras n'aura pas de surprise le soir des noces.
    De nouveau, Elisabeth étendit préventivement la main afin d'éviter la moindre remarque de la part du garçon. Cela l'empêcha de partager avec sa famille une autre de ses gentilles réflexions du genre : « Pour ce qu'elle a à montrer, cela ne portera pas à conséquence. »
    —    Tu sais, tempéra sa femme, la couturière pourra faire les ajustements souhaités. C'est l'avantage du travail sur mesure.
    Dans les circonstances, Eugénie ne pouvait pas se priver d'une alliée. Afin de sceller l'accord avant que son père ne change d'idée, elle se tourna vers sa belle-mère et demanda :
    —    Pourrons-nous aller chez la couturière bientôt ?
    —    Comme elle doit avoir un carnet de commandes bien garni, le mieux serait de s'en occuper dès demain matin.
    Elle fit signe à Jeanne d'apporter

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