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La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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poursuivre...
    —    Ce bonhomme devrait plutôt s'inquiéter que moi-même je le poursuive. Comme il s'agit d'un homme de peu de moyens, conseillez-lui la prudence, sinon il y perdra sa chemise. Nous discutons présentement du second acte d'une mauvaise pièce qui devrait s'arrêter là. La semaine dernière, ce Pierre Grondin, aidé de deux complices, a attaqué et blessé mon fils. Le docteur Caron pourrait témoigner de la gravité de cette attaque : il a été choqué de voir tant de sauvagerie. Il a prescrit à Mathieu de garder la chambre tout le reste de la semaine.
    —    Ces choses-là arrivent, malheureusement, murmura le frère Tancrède d'une voix moins bien assurée, tout à coup.
    —    Elles ne le devraient pas. J'ai moi-même déposé une lettre à votre attention dans les mains du portier de cet établissement, il y a exactement une semaine, à une heure près. Dans ce pli, je vous indiquais les raisons de l'absence pendant quelques jours de mon fils, je nommais ses agresseurs, je vous priais de sévir contre eux, et je vous invitais aussi à prendre des mesures pour assurer la protection de vos élèves. Cette lettre vous est-elle bien parvenue ?
    Le directeur échangea un regard avec le frère Dosité, mais n'osa plus proférer un seul mot.
    —    Moi, j'ai jugé bon de demander au portier de poser sa signature sur un bout de papier, afin de conserver une preuve de ma démarche. Ce matin, vous m'apprenez que ce garçon a lancé la pire insulte au visage de mon fils sans que votre employé n'intervienne. Abandonné par vous, Mathieu s'est défendu quand on a levé la main sur lui. Si poursuites il y a, elles n'impliqueront pas que deux parties.
    Alfred échangea un regard avec son fils, tout en réprimant la forte envie de sourire qui le tenaillait. Quand ses yeux revinrent sur le frère Tancrède, il continua :
    —    Dans les circonstances, vous comprendrez qu'une poursuite de la part du père de ce voyou n'est pas ma première inquiétude, quoique cela puisse devenir la vôtre.
    Une menace pointait dans ce sous-entendu. Les porteurs de robes et de soutanes toléraient mal de se faire demander des comptes. Le frère Dosité passa du rouge au blanc avant de déclarer :
    —    Il a frappé de façon sournoise, sans avertissement.
    —    Nous ne sommes pas des chrétiens d'élite comme vous. Regardez sa joue gauche. Vouliez-vous qu'il tende la droite, ce matin? Si la violence vous répugne à ce point, pourquoi n'êtes-vous pas intervenu dès la première insulte, en septembre dernier? Vous étiez là, comme vous l'étiez tous les matins de cette semaine. Je vous ai vu. Votre responsabilité n'est-elle pas d'assurer que l'arrivée des élèves se fasse dans l'ordre ? Ou alors cela vous plaît-il d'entendre un enfant se faire traiter d'enculé ?
    Le religieux pâlit sous l'affront, alors que son supérieur crispait les mâchoires et serrait les poings sur les bras de son fauteuil. À la fin, il déclara d'une voix sourde :
    —    Je ne crois pas que votre fils puisse continuer de fréquenter l'Académie.
    —    En êtes-vous absolument certain ?
    —    Après ce qu'il a fait...
    —    Je pense avoir été très explicite sur les circonstances entourant cet événement. Je serais heureux de répéter toute cette histoire devant la commission scolaire.
    Les frères des Ecoles chrétiennes tenaient parfois des établissements privés, mais le plus souvent, tout comme les sœurs de la Congrégation Notre-Dame, ils agissaient comme les mandataires de la commission scolaire locale, devant laquelle ils devaient rendre des comptes.
    —    Car c'est à ses membres, n'est-ce pas, qu'il revient de procéder à une exclusion? demanda Alfred, cette fois franchement goguenard.
    Prudemment, peu désireux de voir les derniers événements exposés sur la place publique, le frère Tancrède recula à demi :
    —    Je dis cela pour le bien de votre fils. Ces querelles ont pu laisser des rancœurs tenaces. Pour la paix de son esprit...
    —    Je suis heureux de vous voir enfin préoccupé de son bien-être. Mais cela revient à admettre que vous êtes incapable d'assurer sa sécurité... Après un matin riche en émotions, nous allons rentrer. Je vous ferai connaître la date de son retour en classe.
    Alfred se leva sur ces mots. Après un moment d'hésitation, Mathieu fit de même. Au moment de quitter la pièce, le commerçant déclara, amusé :
    —    Mes

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