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la Bible au Féminin 03 Lilah

la Bible au Féminin 03 Lilah

Titel: la Bible au Féminin 03 Lilah Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Halter,Marek
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quatre ans Cyrus le Jeune a régné sur Yehoud. De Jérusalem et de Néhémie nous n’entendions que des rumeurs. Les nouvelles qui nous parvenaient n’étaient pas bonnes, mais pas mauvaises non plus. Les marchands arrivaient à Suse-la-Ville en assurant que Cyrus portait aux Juifs la même affection que son père et que son grand-père. Le Temple et les murs de Jérusalem resplendissaient comme dans un rêve, affirmaient-ils. Racontars de caravaniers ivres de bière de palme ! Sornettes bien douces aux oreilles des Juifs de l’exil, trop heureux de se soustraire à leur mauvaise conscience.
    Le bras tendu, Ezra désigna un invisible visiteur dans la cour.
    — Il en est qui sont venus jusqu’ici, pressés de s’incliner devant maître Baruch et qui se prétendaient pieux. Nous demandions : « Avez-vous des nouvelles de Jérusalem ? Savez-vous si Néhémie lutte toujours contre les Philistins, les gens de Manassé, d’Amon et de Gad ?
    — Oh, que non ! » répondaient-ils, la bouche et la cervelle pleines d’assurance. Néhémie faisait respecter la Loi de Moïse sur les collines de Yehoud et les rives du Jourdain ! Jérusalem allait bientôt briller comme au temps de Salomon ! Comment le savaient-ils ? Les uns avaient reçu une lettre, les autres la visite d’un parent, tous avaient entendu ceci ou cela !…
    Ezra claqua ses cuisses de ses paumes, se tut avec un ricanement sec et aigre. Mais ses yeux étincelèrent de fureur dans son visage soudain magnifique.
    Lilah tressaillit. Oui, en de tels instants, nul, pas même Antinoès, n’égalait son frère en éclat.
     
    *
    * *
     
    La colère d’Ezra, Lilah la connaissait depuis longtemps. Et depuis toujours, en vérité, elle la redoutait autant qu’elle l’admirait, tant Ezra s’y montrait fascinant.
    Sa voix s’assombrissait, étrangement vibrante dans sa gorge aussi délicate que celle d’une femme. Une voix qui faisait frissonner l’air. Les mots qu’elle prononçait frappaient les poitrines. Tout le corps d’Ezra paraissait alors s’alourdir d’un coup. Il lui fallait s’activer, agiter ses membres comme s’il ne pouvait contenir la force de ses muscles. Sans étonnement, Lilah le vit se retourner brusquement, marcher jusqu’à la fenêtre, puis vers la porte, et revenir enfin, en quatre longues enjambées, jusqu’au lit et, là, frapper des mains comme pour effrayer une meute de chiens errants.
    — La vérité, maintenant, on la connaît. Au mois de nisan, Artaxerxès le Nouveau a livré bataille à Cyrus, son frère, sous les murs de Babylone. Cyrus est mort, et avec lui les mensonges et les rumeurs. Aujourd’hui, voilà que la vérité traverse le désert. Et elle proclame : le Temple des fils d’Israël n’a ni portes ni toit. Et s’il en a, nul ne les garde. Nul ne connaît les lois. On y pratique l’échange d’argent, la vente et le crédit, à ce qu’il paraît. Si les murs de Jérusalem sont redressés, les brèches en sont béantes. Les Philistins, les Ammonites et les Moabites, tous les ennemis des fils d’Israël, quels que soient leurs noms, y vont et y viennent comme ça leur chante. La Loi enseignée à Moïse par Yhwh ne règne pas plus qu’au jour où Nabuchodonosor a vaincu la Judée. Elle ne règne pas plus que pendant les soixante ans où nos pères piétinaient la poussière de l’exil. Pas plus que pendant les cent cinquante années qui se sont écoulées depuis le décret de Cyrus le Grand qui a rendu Jérusalem aux fils d’Israël. La vérité, c’est qu’on se croirait revenu au temps où ceux de l’exode dansaient devant le veau d’or au pied du mont Sinaï ! Voilà la nouvelle, ma sœur. Néhémie a été ambitieux et volontaire. Mais il a échoué.
    Ezra s’assit sur l’un des tabourets et à nouveau claqua ses cuisses de ses paumes.
    — Comment peux-tu en être certain ? ne put s’empêcher de demander Lilah après un instant de réflexion.
    Son frère la dévisagea avec stupéfaction. Lilah lui sourit avec douceur. Elle avait parlé sans chercher à s’opposer à lui. Simplement, elle avait laissé libre cours à son propre raisonnement. Elle était si accoutumée à la vigueur des discours d’Ezra, à leur charme brûlant, qu’elle pouvait désormais échapper à la fascination qu’ils avaient exercée sur elle, lorsqu’ils étaient plus jeunes l’un et l’autre, et penser par elle-même. Cependant, la colère d’Ezra se tournait à présent contre elle, tout

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