la Bible au Féminin 03 Lilah
est rangé et propre. Tu peux soulever tous les couvercles de cette pièce ! Tout est rangé et propre ! Tu es venue sans Axatria pour t’aider, et moi je t’aide comme une servante. Mais Sogdiam peut toujours attendre qu’un merci sorte de ta bouche !…
— Hé ! Voilà que mon Sogdiam se met en colère, lui aussi ?
Lilah l’attrapa par les épaules. Elle l’attira contre elle, pressant ses lèvres sur son front.
— Pardonne-moi, Sogdiam. Pardonne-moi, lui chuchota-t-elle à l’oreille. Ne fais pas attention, c’est un mauvais jour. Ezra est en colère, Axatria est en colère, toi, tu es en colère, et moi…
Elle se tut en sentant le sanglot qui naissait dans sa gorge. Elle serra Sogdiam plus fort contre sa poitrine, moins pour réconforter le garçon que pour se rassurer elle-même.
— Bien sûr que je te vois, mon Sogdiam ! Bien sûr que je te dis merci.
Elle piqua ses paupières de petits baisers. Sogdiam ne répondit pas. Pas plus qu’il n’osa enlacer sa taille. Il demeurait simplement contre elle, le souffle court, le buste un peu raide, tout entier frémissant.
Lilah l’écarta doucement. Le regard de l’adolescent demeurait si méfiant qu’elle songea à un animal sauvage jamais vraiment apprivoisé.
— Souris !
La bouche de Sogdiam frissonna. Elle se tendit en une grimace qui n’était pas un sourire mais avouait l’immensité de l’affection et de la soif de tendresse du jeune garçon. Lilah lui attrapa le menton et l’obligea à lui faire face.
— Tu ne seras jamais mon époux, Sogdiam, dit-elle tout bas. Je suis bien trop vieille pour toi. Mais moi, je sais que je le regretterai souvent. Et je sais aussi que nous serons toujours amis !
Pendant quelques secondes ils demeurèrent ainsi. Le temps que Sogdiam, les prunelles scintillantes, se convainque que Lilah ne plaisantait pas. Alors, crânement, il se dégagea et déclara :
— Ça va. Il n’y a pas eu trop de lait renversé. Je vais nettoyer.
*
* *
Le ventre noué, surprise par la violence de sa propre émotion, Lilah le regardait s’affairer, nettoyer et ranger la pierre plate, les récipients et les ustensiles salis. Un petit homme sérieux et courageux, fidèle et décidé. D’une détermination et d’un courage qui ne se rencontraient guère chez les garçons de son âge dans Suse-la-Ville.
D’un ton neutre, elle déclara :
— Je ne contrôlais pas ton travail, Sogdiam. Je sais bien que tu accomplis plus d’ouvrage qu’Ezra ne t’en demande. Je m’étonnais seulement que ces panières ne fussent pas plus pleines. Ezra ne mange rien, maître Baruch a un appétit d’oiseau. Il ne vous reste presque rien de l’orge et des légumes secs que nous vous avons apportés la dernière fois, Axatria et moi. Il devait y en avoir au moins quatre ou cinq mines de chaque ! J’ai du mal à croire que c’est toi qui manges tout le reste. Et il n’y a pas de raison de jeter.
Sogdiam ne répondit pas immédiatement.
— On ne jette rien. On donne, admit-il enfin.
— Vous donnez ?
— C’est Ezra qui en a eu l’idée.
— Que veux-tu dire ?
À nouveau, Sogdiam prit son temps avant de répondre. Ses yeux se baissèrent vers le four. La croûte noircissait au pourtour des galettes. Depuis un moment la pièce était envahie par l’odeur moelleuse de l’orge, mais ni l’un ni l’autre n’y avait prêté attention.
— Tes galettes roussissent, remarqua-t-il.
— Oh, Tout-Puissant !
Lilah attrapa prestement une longue spatule de bois et un épais tissu de serge. Elle bascula le buste au-dessus du four, les paupières plissées pour résister à la chaleur. Habilement, d’un coup de spatule, elle décolla les galettes sans les briser, les recueillant dans le tissu.
Elle se redressa en soufflant fort, le visage perlé de sueur.
— Ouche, un instant de plus et elles brûlaient !
— La tisane aussi doit être prête, déclara Sogdiam en plongeant à son tour dans le four pour en retirer le cruchon.
Lilah disposa les galettes dorées et fumantes sur un plateau de palmes tissées. Elle y ajouta quelques dattes et le pot de lait. Observant Sogdiam qui filtrait la tisane dans un grand bol, elle demanda à nouveau :
— Comment cela, vous donnez la nourriture ?
Sogdiam lui jeta un regard de reproche. Aussi réticent que s’il devait trahir un secret, il désigna la cour du menton.
— Il y a trois ou quatre lunes, une de ces femmes qui vivent dans les zorifés
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