la Bible au Féminin 03 Lilah
Babylone et des pharaons. Mais nous ne suivons plus les décrets de Yhwh. Nous avons rompu notre serment, rompu l’Alliance qui nous protégeait de la folie des puissants, de leur oppression et de leurs idoles. Alors, aujourd’hui, la main de Yhwh n’est plus sur nous. C’est la main de Parysatis qui est sur nous.
Elle se tut, presque à bout de souffle. Ses ongles entraient dans la chair d’Antinoès. Doucement, il dit :
— Parysatis est folle, mais elle seule l’est. Les Juifs sont respectés dans les royaumes du Roi des rois. Vous êtes parmi nous comme n’importe quel autre peuple. Je suis un Perse et tu es dans mes bras.
Elle l’embrassa, le caressa. Non, non, ses mots n’étaient pas dirigés contre lui. Il n’y avait pas de plus grand amour que le leur. Mais il devait comprendre.
— Antinoès, la puissance de Parysatis n’a pas de limites. Elle corrompra tout. Tu es allé devant elle aujourd’hui. Ne me dis pas, ne me raconte pas ! J’imagine, et ce que je ne veux pas imaginer, je l’ai senti tout à l’heure au goût de ton premier baiser. Toi, un fils de puissant de Suse qui, demain, sera un de ceux devant qui les peuples de Perse, de tous les royaumes du Roi des rois s’inclineront, elle t’a humilié tout autant que moi. Je le sais.
Antinoès ne protesta pas.
— Alors, l’idée m’est venue, poursuivit Lilah. Ezra doit aller à Jérusalem pendant qu’il en est encore temps. Il doit aller y achever l’œuvre de Néhémie. Qu’il y ait de nouveau une terre où nul puissant ne nous humiliera. Il doit accomplir ce pour quoi il est né. Et nous, nous devons l’aider. Néhémie est parti avec la volonté et le soutien d’Artaxerxès le Premier. Ezra doit partir avec la volonté d’Artaxerxès le Nouveau.
— Comment ?
*
* *
Il était tard, mais ils parlaient encore.
Les nuages filaient sous la lune. La pluie avait cessé, le vent s’était levé, froid et fort, sifflant entre les panneaux de bois des volets. Antinoès les avait recouverts d’une vaste peau d’ours du Zagros. Ils chuchotaient dans la pénombre comme ils avaient chuchoté tant de fois durant leur enfance. Cependant les mots n’étaient plus ceux de l’enfance. Lilah disait :
— Tu crois qu’Ezra te déteste, mais non, il déteste seulement la vie que nous menons ici alors que Yhwh l’attend là-bas.
Elle disait encore :
— Toi seul peux apprendre aux échansons et aux eunuques de la table du roi ce que vaut Ezra et qu’ils seront des milliers à le suivre s’il prend la route de Jérusalem.
Antinoès répondait :
— Cela prendra des jours et des jours avant que le roi prête l’oreille à ma requête.
— Quelle importance ? Nous pouvons attendre.
— Crois-tu que Parysatis attendra, elle ?
Ils se taisaient alors, car ces mots glissaient dans leurs ventres telle une coulée de glace et ils n’osaient encore les affronter.
Pour les éloigner, Antinoès, sur un ton plus léger, en guerrier et héros du Roi des rois, poursuivait :
— Que le chaos cesse à Jérusalem, qu’on en relève les murs et en fasse une ville forte, il se peut que cela intéresse Artaxerxès. On raconte que Pharaon veut conquérir Jérusalem, car c’est, à l’Occident, le point le plus faible de nos frontières. Que Jérusalem s’effondre et devienne terre d’Égypte serait une aubaine pour les Grecs. Cela leur donnerait des côtes et des ports, à Tyr et à Sidon. Ils pourraient aussi bien y faire du commerce qu’y lancer des armées sur l’Euphrate. Oui… sans doute est-ce ainsi qu’il me faut présenter les choses. Il en est, parmi les généraux, qui seront heureux de l’entendre.
Tribaze m’écoutera, oui. Et lui saura mieux que moi convaincre la table du roi.
Lilah souriait dans la pénombre, cherchait la chaleur du corps de son amant pour s’y fondre et lui insuffler de sa force.
Mais il vint un moment où Antinoès murmura :
— Parysatis veut que je prenne une de ses nièces pour épouse. Elle n’en démordra pas, je le sais.
Après une hésitation, il ajouta :
— Elle prétend que tu as déjà accepté, devant elle, de rompre notre promesse.
Lilah eut un petit rire, sec et méprisant.
— Parysatis ne connaît rien de la réalité. Elle ne connaît que ses désirs.
— Elle te tuera si tu ne lui obéis pas. Elle t’humiliera plus qu’elle ne l’a fait déjà, et te tuera avec cruauté.
— Toi aussi, elle te tuera ?
— Sans hésiter. Sans
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