la Bible au Féminin 03 Lilah
Baruch me rapproche plus sûrement de la volonté de Yhwh que ton imagination.
— Tu es bien peu patient, Ezra, répliqua Lilah sans se laisser impressionner par la critique. Peu patient, peu confiant et peu prévoyant. Profite de ce temps pour réunir ceux qui t’accompagneront. Fais connaître ton espoir pour Jérusalem !
— Mon espoir pour Jérusalem ?
Le rire d’Ezra le secoua longtemps.
— Lilah, ceux qui veulent m’accompagner peuvent venir s’asseoir dans cette cour autant qu’ils le souhaitent. À la condition qu’ils respectent mon étude. Alors, leur voyage sera pareil au mien : il les conduira sûrement dans la Parole de Yhwh et l’Écriture de Moïse !
Lilah s’attendait à un soutien de la part de maître Baruch. Le vieux maître n’intervint ni dans un sens ni dans l’autre. Il semblait recroquevillé dans sa barbe, accablé par l’âge et sans doute la fatigue, incapable d’un de ces propos par lesquels il aimait surprendre et agacer.
Pourtant, lorsque Lilah s’inclina vers lui pour lui dire au revoir, il saisit son visage entre ses vieilles paumes si douces et lui sourit. Un grand sourire silencieux qui insufflait à ses prunelles une vie aussi vibrante qu’un rire. Il ne prononça pas un mot, continua seulement de sourire. Et ses paumes tenaient le visage de Lilah comme s’il le soulevait au-dessus des pesanteurs de la terre.
Elle comprit qu’il l’encourageait. D’une manière qui n’appartenait qu’à lui, mais qui la soulageait de bien des inquiétudes.
Lors de leur visite suivante, Ezra se moqua à nouveau de Lilah, avec une dureté où elle crut discerner l’acidité de la jalousie.
Au retour, elle décida de ne plus se rendre dans la ville basse tant qu’elle ne pourrait y porter la réponse du Roi des rois. Axatria roula des yeux terrifiés.
— Et si elle ne vient pas ? S’il n’y a pas de réponse ? Si…
— Pas de « si », Axatria ! Il y aura une réponse, et ce sera celle que nous attendons. Ezra ira devant Artaxerxès le Nouveau.
Axatria la regarda comme on regarde ceux que la raison quitte.
Le mois de tèvet arriva. Le froid tomba sur la région de Susiane d’un seul coup. La neige brouilla le ciel trois jours durant. Les flocons se déposèrent sur la maison de Mardochée, l’enveloppant de silence. Lilah paraissait tout aussi froide et blanche que la neige, comme si l’obstination de l’attente la vidait de son sang.
*
* *
L’aube pointait lentement, silencieuse. Les tisserandes n’étaient pas encore à l’ouvrage, pas plus que les ouvriers de Mardochée. Comme chaque matin, debout face au jour, Lilah cherchait la force de ne pas céder à l’impatience. La voix de Sarah la fit tressaillir plus que la main qui se posa sur sa nuque.
Avant qu’elle ne pût prononcer un mot, sa tante se colla contre elle.
— Il fallait que je sois près de toi un moment. Je veux te dire que j’ai bien réfléchi. Tu as raison, pour Ezra. Je l’ai dit à Mardochée : Lilah a raison. Je ne sais pas si cela se fera, si le roi lui donnera audience et s’il prendra le chemin de Jérusalem. On verra. Mais tu as raison. Ezra est Ezra. La main de Yhwh est sur lui. On pouvait le penser depuis longtemps.
Elles s’enlacèrent avec un petit rire qui sonna comme une plainte.
— Tu ne dors pas beaucoup, remarqua gentiment Sarah en caressant la joue de sa nièce.
— Personne ne dort beaucoup ces dernières nuits, reconnut Lilah. Ni toi ni l’oncle Mardochée. Oh, ma pauvre tante ! Ezra et moi, nous vous aurons donné plus de soucis que de plaisir.
Sarah serra un peu plus fort sa taille.
— Des rêves, voilà ce que tu m’as donné, des rêves, Lilah. Et moi, je n’ai pas toujours été adroite.
Elle hésita. Pareil à un sanglot, un ricanement éclata sur ses lèvres.
— Sarah la bien nommée, voilà ce que je suis. Sarah au ventre sec ! Tout comme celle d’Abraham. Sauf que moi, les anges de l’Éternel ne viendront pas me visiter quand je serai vieille pour de bon !
— Ma tante !
Sarah posa ses doigts sur la bouche de Lilah pour la faire taire. Ses yeux brillaient, fiévreux. Sa voix basse s’éraillait à la dureté des mots qui franchissaient sa bouche.
— Tu ne peux pas savoir ce que c’est. La honte ! La honte de ne pas avoir donné d’enfant à Mardochée. La honte d’être tellement heureuse quand vous êtes arrivés dans cette maison. C’était terrible. Ta mère et ton père venaient de
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