la Bible au Féminin 03 Lilah
Les eunuques en armes coururent le long du bassin pour repousser les nièces de la reine de la pointe de leur lance. Avec des glapissements d’effroi, les fillettes disparurent dans un étroit tunnel qui s’ouvrait à l’autre extrémité de la salle. Quand le calme fut revenu, Parysatis murmura :
— Je pourrais nourrir mes lions avec ta Lilah. Ainsi, tu serais délivré de ta promesse. Mais il se passe une chose étrange, Antinoès. Je suis comme toi. Je l’aime bien, cette Juive. Elle me plaît. Et elle, elle est assez sage pour n’avoir aucune envie de tenir sa promesse.
Le rire roucoulant de Parysatis se mêla à l’épaisse vapeur du bain. Elle repoussa ses servantes, s’approcha tout près d’Antinoès et lui saisit le menton pour lui relever le visage.
— Tu ne veux pas savoir pourquoi ?
Soutenant le regard de la reine, Antinoès ne répondit rien. Parysatis eut une moue douloureuse. Elle ordonna :
— Pose tes lèvres sur les miennes, héros du Roi des rois, que je sache ce que goûte ta Juive.
*
* *
Sarah poussa avec précaution la porte de la chambre de Lilah. Axatria, qui changeait les draps de la couche, sursauta.
— Tu m’as fait peur, maîtresse.
— Lilah n’est pas là ?
Le visage d’Axatria s’illumina. Tout bas, sur le ton du secret, elle murmura :
— Elle a couru chez Antinoès. Elle ne se tenait plus d’impatience. Quatre jours qu’ils ne se sont vus. Elle a beaucoup de choses à lui raconter.
L’excitation dans les yeux, Sarah referma la porte de la chambre derrière elle.
— Ça y est, elle a parlé à Ezra ?
Axatria prit le temps de pousser le linge sale dans une panière avant de secouer la tête.
— Elle lui a parlé, oui, mais pas comme tu le crois.
— Ne fais pas tant de mystères ! s’agaça Sarah. Raconte.
— Lilah dit qu’Ezra doit aller à Jérusalem.
— À Jérusalem ?
— Oui, pour y prendre la suite du sage Néhémie. Y aller avec des gens de Suse et de Babylone. Elle dit qu’il est le seul à en être capable.
— Mais de quoi me parles-tu, ma fille ?
Axatria dut reprendre par le début le récit des événements. Elle raconta la visite de Lilah dans la ville basse, la rencontre avec le nommé Zacharie et, mot pour mot, ou peu s’en fallait, ce que Lilah avait déclaré à Ezra.
Sarah dut s’asseoir sur le lit pour écouter jusqu’au bout sans défaillir. Quand Axatria se tut, elle ne bougeait pas plus qu’une bûche.
Axatria n’entendait pas qu’on lui gâche son bonheur. Avec fierté elle ajouta :
— J’ai toujours su qu’Ezra deviendrait un grand homme. Lilah dit que le Dieu du ciel convaincra le roi d’envoyer Ezra à Jérusalem. Elle le sait. Et je la crois.
Sarah observa d’abord la servante d’un œil morne. Puis les mots franchirent la vague de désolation qui la submergeait.
— Toi, qui n’es pas même juive, tu vas m’apprendre ce que vaut Ezra et ce que l’Éternel attend de lui ? lança-t-elle avec un rire acide avant de quitter la chambre.
À la nuit tombante, Mardochée fit à son tour venir Axatria. Elle avait pleuré et ses yeux bordés de rouge cherchaient querelle. Mais Mardochée usa de douceur et elle répéta ce qu’elle avait dit à Sarah.
Mardochée écouta chacune de ses paroles avec attention. La perplexité le rendit à son tour silencieux. Enfin, il demanda :
— Tu es sûre de ce que tu racontes ? Lilah a dit qu’elle allait malgré tout épouser Antinoès ?
Avec un soupir d’exaspération, Axatria martela les phrases de Lilah :
— « Je me marierai, Axatria. J’en ai fait la promesse. » Voilà ce qu’elle a dit.
Se glissant dans l’ombre, Sarah était venue écouter à nouveau. Elle ne put retenir un ricanement de dépit :
— Lilah est folle. On tremble pour son mariage et elle, tout ce qu’elle trouve à faire, c’est de proclamer Ezra sauveur de Jérusalem !
— Si elle dit qu’Ezra en est capable, c’est qu’elle a raison ! protesta Axatria, la voix tremblante de ressentiment. Elle le connaît mieux que toi.
La main levée, Mardochée réclama le silence. Il souriait.
— Notre Lilah a plus d’un tour dans son sac. C’est bien imaginé. Une fois à Jérusalem, Ezra ne s’occupera plus de savoir avec qui elle se marie.
Axatria et Sarah s’observèrent, pensives. Puis Sarah hocha la tête, peu convaincue.
— Que l’Éternel t’entende, soupira-t-elle.
*
* *
La bouche d’Antinoès était douce
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