la Bible au Féminin 03 Lilah
et chaude. Lilah s’y perdait, s’y roulait, abandonnée et légère.
Les paumes d’Antinoès la soulevaient et l’emportaient dans des caresses où les écailles tranchantes des heures passées enfin disparaissaient.
Par ses baisers, elle-même le conduisait et l’accompagnait dans les houles du désir. Ils mêlèrent leurs murmures, à fleur de peau, souffle pour souffle. Lui était impatient alors qu’elle, d’étreinte en étreinte, étirait le temps, comme si cela pouvait n’avoir jamais de fin.
Enfin ils roulèrent côte à côte, reprenant leur respiration, chevelures emmêlées, hanches encore soudées. Les lèvres douloureuses et les mains incapables de cesser les caresses.
Des braseros chauffaient la chambre d’Antinoès, qu’une seule lampe à mèche d’huile éclairait.
Lilah écouta la pluie marteler les feuilles dans le jardin. Elle entendit une porte claquer et, au loin, les bribes d’une conversation, la voix d’une servante. Elle n’était pas accoutumée au bruit de la maison d’Antinoès.
Il murmura :
— L’autre jour, chez ton oncle, tu n’as pas dit la vérité. Parysatis refuse nos épousailles.
Un frisson parcourut Lilah comme si l’air du dehors avait pénétré dans la pièce. C’en était fini : la vérité des jours revenait. Elle ferma les yeux comme si ce geste pouvait la protéger quelques instants de plus. Antinoès ajouta :
— Elle m’a fait venir devant elle ce matin. Dans sa salle d’eau !
Devant ses paupières closes s’agitait le visage moqueur de Parysatis.
Lilah se tourna sur le côté, baisa la bouche de son amant, puis posa les doigts sur ses lèvres.
— Non, chuchota-t-elle, je n’ai pas dit la vérité. Mais pouvais-je te la dire ? J’avais encore trop honte. Ce regard qu’elle posait sur moi ! Pas seulement son regard. Elle me touchait ! Je portais une tunique qui me laissait presque nue devant elle. Et de l’entendre m’ordonner qui je dois aimer ! J’avais peur des lions, mais j’ai songé, au moins un instant, qu’il vaudrait mieux mourir par eux que subir les humiliations de Parysatis.
Lilah se tut et sourit. Antinoès voulut parler mais, d’une nouvelle pression sur ses lèvres, Lilah l’invita encore au silence.
— Puis l’idée m’est venue.
Elle se redressa, s’assit contre les hanches d’Antinoès comme l’on s’appuie à un mur. Elle caressa sa nuque, les muscles puissants de ses épaules. Elle souriait toujours, sans joie mais gravement.
— J’étais devant Parysatis, qui me disait : « Que vais-je faire de toi, ma fille, que puis-je faire d’une Juive ? » Elle me menaçait : « Je pourrais faire de toi ce que je veux. Ma servante. Ou de la nourriture pour mes lions. Ou ma soumise. Voilà quelque chose qui manque dans ce palais : une belle Juive soumise à nos caprices ! Je pourrais te donner à mes singes si l’envie m’en prenait. Il n’en est qu’un à qui je ne te donnerai pas, ma fille, c’est celui que tu as choisi. Cet Antinoès qui te plaît tant ! »
Lilah essayait encore de sourire à travers ses larmes. Antinoès la serra contre lui, les bras noués autour de sa taille pour qu’elle cesse de trembler. Mais elle continuait de parler, poussant les mots comme si elle devait les exhumer d’un sol de pierre.
— Ce n’était pas seulement cruel et odieux. C’était injuste. Je ne l’écoutais plus. On ne peut pas écouter des choses pareilles. La haine nous ferme les oreilles. On devient sourd. Je songeais : « Quel est ce royaume où une reine folle peut décider de la vie et de la mort ? Elle souille l’air que l’on respire. Elle souille ce qui nous fait homme et femme. Elle couvre de purin l’amour des époux et des épouses ! Qu’y a-t-il de plus injuste que la puissance du fort quand elle n’a pas de frein ? »
Un tremblement l’obligea à serrer les dents. Antinoès se redressa, la prit contre lui, posa sa tête entre ses seins. Il entendait, entre les battements de son cœur, les mots vibrer dans sa poitrine.
Lilah respira un grand coup et reprit :
— C’est alors que j’ai songé à Ezra. Pas à lui, mais à ce qu’il répète depuis qu’il vit dans la ville basse : l’Éternel nous a donné des lois pour vivre hors de l’humiliation. Il a donné des lois pour que Son peuple vive dans le respect. Des lois pour que les fils et les filles d’Israël ne soient plus soumis aux affronts et aux caprices des faux dieux, des rois de
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