la Bible au Féminin 03 Lilah
poitrine.
— Hier, dit-elle enfin, Ezra m’a demandé : « Et toi, ma sœur, me suivras-tu ou demeureras-tu avec ton Perse ? » Cela m’a mise en colère. Je lui ai répondu que mon Perse avait un nom. Et que je ne lui fournirai pas de réponse tant qu’il ne sera pas capable de le prononcer.
Elle se tut, les yeux toujours clos. Antinoès n’osait pas bouger, à peine respirer. Il n’avait pas de doute sur la décision de Lilah. Mais c’était plus fort que lui. Ses mains tremblaient comme si des mots miraculeux pouvaient sortir de la bouche bien-aimée.
— Ce matin, reprit doucement Lilah, il m’a accueillie dans la ville basse avec une tendresse que je ne lui ai pas connue depuis longtemps. Il m’a dit : « Antinoès m’a raconté. Antinoès m’a dit que tu étais allée devant la reine Parysatis pour moi. »
La voix de Lilah se brisa. Elle se mordit les lèvres. Les larmes perlèrent à ses paupières closes.
— Il m’a dit : « Je sais qu’Antinoès, ton amant, est celui qui a écrit la lettre pour solliciter en mon nom une audience à Artaxerxès. J’ai été injuste et dur envers lui. Je peux dire du bien d’Antinoès aujourd’hui. Mais cela ne change rien. Tu dois me comprendre. Je ne fais que suivre la Loi de Yhwh. Il n’y a pas d’autre choix. Comment ma sœur pourrait-elle vivre une existence entière avec un homme qui n’est pas un fils d’Israël ? Aux pieds de la montagne des Commandements, Yhwh a dit à Moïse et à Aaron : « Comment osez-vous laisser vivre les femmes qui ont couché avec les Madianites ? Elles sont impures. L’eau amère de la malédiction coulera sur elles. » »
Antinoès avait saisi la main de Lilah. Elle s’y agrippa. Elle le tenait si fort qu’elle semblait suspendue dans le vide, murmurant :
— Il répète qu’il a besoin de sa sœur. Et c’est vrai. Je le sais. Je l’ai toujours su. Comme je sais que ce qu’il accomplit est grand.
— Moi aussi, je le sais, répondit enfin Antinoès. Parysatis aussi le sait. Il n’y a pas de miracle. Tu dois accompagner Ezra à Jérusalem.
Lilah ouvrit ses paupières, libérant ses larmes. Elle scruta le visage d’Antinoès.
— Je pourrais me cacher. Aller seulement à Babylone. Le temps que Parysatis m’oublie. Nous nous retrouverons dans un an. Oui, dans un an, Parysatis m’aura oubliée. Ou, qui sait, elle sera morte !
— Parysatis ne t’oubliera jamais. Où que tu sois, si tu es avec moi, sa cruauté t’atteindra. Et ne compte pas sur sa mort. Les démons durent longtemps. De toute façon, Ezra, lui non plus, ne te laissera jamais à Babylone.
Lilah porta à sa bouche les doigts d’Antinoès noués aux siens.
— Alors, c’est toi qui vas m’oublier ?
— Non. Je te porterai en moi chacun des jours qu’il me reste à vivre.
Avec douceur il l’obligea à se redresser. Il la fit mettre debout et ôta sa tunique. De chacune de ses mains, il souleva un lumignon pour mieux voir son corps nu, tandis qu’il tournait autour d’elle.
— Chaque grain de ta peau se marquera dans mes yeux, promit-il. Je verrai ton visage dans mes rêves. Je baiserai tes seins et ton ventre dans mes rêves. Je serai en toi, nuit après nuit, et, le matin, j’aurai le parfum de tes baisers sur mes lèvres. Le matin, mon sexe se dressera au souvenir de tes hanches.
Lilah se rendit compte qu’Antinoès pleurait lui aussi. Elle sourit et dit d’une voix à peine audible :
— Tu étais revenu à Suse pour faire de moi ton épouse…
— Ils sont trop nombreux, ceux qui ne le veulent pas.
— J’ai fait une promesse, je veux la tenir.
Elle attrapa le drap de leur couche et le tint au-dessus d’elle, tel un dais. Ainsi, elle commença à son tour à tourner autour d’Antinoès d’un pas léger et dansant.
— Je suis Lilah, fille de Serayah, chuchota-t-elle. Je choisis mon époux selon mon cœur et devant l’Éternel, Yhwh, mon Dieu.
Un sourire lumineux lui éclaira le visage, alors que ses hanches dansaient la ronde des épousailles et que ses bras poussaient le drap sur la tête de son amant.
— Je choisis Antinoès, celui qui m’a choisie depuis le premier jour de l’amour.
Antinoès se mit à rire et leva les bras pour soutenir le drap. Ils tournoyèrent, les yeux dans les yeux, les hanches dans le même balancement.
— Je suis Lilah, fille de Serayah. Jusqu’au jour où Yhwh me reprendra le souffle, je n’aurai pas d’autre époux.
— Je suis
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