la Bible au Féminin 03 Lilah
Ezra par le pan de sa tunique afin qu’il se levât de son coussin et, comme les autres, pliât le buste dans un salut.
Mais à peine se furent-ils redressés que deux gardes étaient à leurs côtés.
L’un deux déclara :
— Ezra, fils de Serayah, notre roi, Artaxerxès le Nouveau, maître des peuples, Roi des rois, te fait venir devant lui.
*
* *
Alors que les eunuques et les serviteurs exhibaient des vêtements somptueux, que la tunique du chiliarque Tithraustès était éblouissante d’or et de pierreries, en ce jour Artaxerxès le Nouveau était simplement vêtu d’une tunique blanche. Des tresses dorées se mêlaient à sa longue barbe et un haut bonnet tissé d’or et de pierres était posé sur sa perruque. Celle-ci était si volumineuse que son visage paraissait étrangement long et mince. Ses paupières étaient noircies de pommades, ses yeux aux iris gris avivés par le khôl. Un peu de rouge soulignait l’ourlet voluptueux de ses lèvres entre les ombres de la barbe. Il était assis sur un vaste siège piqué d’étoiles d’émeraudes et de perles. Ses pieds reposaient sur un tabouret d’or et d’ivoire – on racontait qu’il le portait lui-même lorsqu’il se déplaçait dans le palais, et même quand il allait en char.
Sur sa droite se tenait le chiliarque et, derrière, les trois scribes du Livre des jours, aidés d’une vingtaine de jeunes eunuques, sagement accroupis tant que l’on n’avait pas besoin d’eux. À sa gauche, les musiciens guettaient un geste du roi. Tout autour cinquante gardes, parmi les plus grands qu’on ait vus, formaient un cercle.
Parvenu à la limite de la salle royale signalée un instant plus tôt par le rideau, Antinoès s’inclina. Il n’alla pas plus loin, alors qu’Ezra marcha tout droit en direction du roi.
Un murmure parcourut les courtisans.
Le visage du roi demeura impassible.
Ezra avança encore de quelques pas. Le front baissé, il s’inclina un peu, la main droite tendue vers le sol. La bague glissa de ses doigts, et il plia le buste comme s’il en accompagnait la chute sur le tapis. Après un bref temps d’arrêt, il se redressa, souffla sur sa paume tout comme Axatria l’avait fait dans la cour de la ville basse.
Hélas, il n’avait ni la grâce ni la bonne volonté de la servante ! Son geste ressembla si peu à une prosternation que le chiliarque Tithraustès appela d’un signe les gardes. La main d’Artaxerxès se souleva de l’accoudoir où elle reposait et un sourire amusé étira les lèvres du souverain.
Interloqué, Tithraustès s’assura d’un regard de la bonne humeur de son maître avant d’accomplir son devoir.
— Ezra, fils de Serayah, Juif de Sion, annonça-t-il. Mon roi, il vient te demander aide et soutien pour conduire à Jérusalem ceux de son peuple qui vivent parmi nous, en Susiane et à Babylone, depuis l’exil de leur père. Cela remonte, mon roi, aux temps anciens où Darius n’était pas encore Roi des rois.
Ezra, comme tous ceux qui se tenaient dans la salle, demeura figé le temps que la voix du roi retentît pour la première fois de l’audience. Le sourire avait disparu de son visage.
— Ton salut, Ezra, n’est pas celui d’un homme qui m’aime. Pourtant, tu viens me demander de l’aide.
Antinoès vit les épaules et la nuque d’Ezra se raidir. Puis il entendit sa voix nette qui déclarait :
— N’y vois aucune offense de ma part, mon roi. Mon respect pour toi est celui que je te dois. Mais il est vrai, mon amour va à Yhwh, mon Dieu. Pour ce qui est de me prosterner, j’obéis à la Loi que Yhwh a donnée à mon peuple.
La réponse parut si surprenante à tous que les scribes, autant que le chiliarque, se tournèrent vers Artaxerxès, attendant que sa colère se déchaînât. Mais non. Le regard du Roi des rois parut seulement plus attentif.
— Voilà une réponse qui n’est pas plaisante. À moins que tu ne saches mieux me l’expliquer.
— Mon roi, comme l’a dit le chiliarque, mon peuple est celui de Jérusalem et de la Judée, la terre que Yhwh, Maître de l’univers, nous a désignée dans la naissance des temps. À la condition néanmoins que nous suivions Ses lois et Ses décrets. Ton père, le père de ton père et le grand Cyrus, Roi des rois, ont reconnu la grandeur des lois de Yhwh. Ils les ont trouvées bonnes et nécessaires. C’est pourquoi, à Ectabane, le grand Cyrus, après avoir conquis Babylone, a établi un décret nous
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