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La bonne guerre

La bonne guerre

Titel: La bonne guerre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Studs Terkell
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très souvent. Je ne comprenais vraiment pas. J’étais
encore très naïf en ce qui concernait la politique américaine.
    Il y a quelque chose de très dérangeant avec ces souvenirs, c’est
qu’à la boîte postale 1142 j’étais tenu par serment au secret. Jusqu’à quand ce
serment doit-il être respecté ? Ça fait tout drôle. Je me sens lié par ce
serment et pourtant, de toute, évidence, je ne le suis pas. Sinon je n’aurais
pas parlé comme ça. Ce qui m’étonne, c’est que ça ne change rien à notre
conversation. Et pourtant ça me fait tout drôle.
    Je suis sûr qu’en Allemagne les gens étaient aussi tenus au
silence. Et on sait à quoi ça a mené. Si ça doit fonctionner de la même façon
avec nous, les sanctions encourues pour avoir dévoilé un secret ne sont rien en
comparaison de ce que le silence pourrait entraîner.
    Toutes ces années, moi, un historien, j’étais inhibé à un
tel point que je n’ai même jamais cherché à savoir en quoi mes propres
expériences avaient pu servir l’opération Paper Clip. Sans parler de ce
qui a amené ce qui allait devenir la deuxième guerre froide.
    La deuxième guerre froide ?
    Le nouveau modèle de la même guerre. La première guerre
froide était ce qui a immédiatement suivi la première guerre mondiale : l’intervention
en Russie par les puissances alliées et le blocus qui a suivi. Je pense que les
deux sont intimement liés.
    Quand atteint-on la fin de l’état d’urgence ? Je suis
persuadé que quelqu’un doit pouvoir fixer une date. Ou bien avons-nous
imperceptiblement glissé vers un état d’hostilité permanente ? Avec toutes
les conséquences qui en résultent.
    J’ai obtenu une bourse à Yale. Vers 1950. La guerre froide
commençait juste à atteindre les milieux universitaires. Pendant mon séjour en
Europe, pour la préparation de ma thèse, j’ai entendu dire qu’une conférence
commerciale Est-Ouest devait se tenir à Moscou. Ça allait peut-être ouvrir la
voie à la détente. J’ai posé ma candidature. J’ai écrit à mes professeurs à
Yale pour leur dire que j’y allais. Je ne leur demandais pas leur avis, je ne
faisais que les informer. En réponse j’ai reçu des lettres affolées de mes
professeurs. Ils me disaient simplement que c’était très dangereux. Que ça
ferait certainement la une du New York Times  : « Un boursier
de Yale assiste à la conférence communiste de Moscou. » Que quand il s’agirait
de me trouver un poste ils s’en laveraient les mains. Je n’ai pas obtenu les
papiers nécessaires pour Moscou.
    Alors quand les gens me demandaient ce que je faisais dans l’armée,
puisque je n’avais pas le droit de dire ce que je faisais, ni où j’étais
stationné, ma réponse était toujours la même : je préparais la troisième
guerre mondiale.

Erhard Dabringhaus
    Il est à la retraite après avoir enseigné vingt-neuf ans
la culture germanique à l’université d’État Wayne.
    Pendant la seconde guerre mondiale il était officier des
services secrets. « En 1944, on m’a envoyé en Angleterre pour mener des
interrogatoires. Dans l’armée américaine nous n’avions pas beaucoup de gars qui
savaient ce qu’ils faisaient. J’ai travaillé avec les Anglais pour apprendre
les trucs qui permettent d’amener un type à parler.
    Nous savions que les Allemands avaient un sens très
prononcé de la famille. Nous fouillions leurs portefeuilles. Ils y avaient des
photos de leur mère, de leur femme, de leurs gosses. Je leur disais :
« Vous pourriez nous aider à terminer la guerre un jour plus tôt, vos
gosses et votre femme seront encore en vie et en bonne santé quand vous
rentrerez chez vous. Sinon, on ne sait pas ce qui peut leur arriver. Ils
pourraient être bombardés. » Nous bombardions les villes allemandes à ce moment-là.
    On leur faisait des feintes. On habillait un de nos
sergents en Allemand, on lui jetait du ketchup à la figure, et il s’enfuyait en
hurlant quand on interrogeait un type qui ne voulait pas parler. Nous n’avions
pas le droit de les toucher.
    Quand un Allemand se montrait particulièrement têtu, j’appelais
toujours le sergent Kaminski. Et l’Allemand se mettait aussitôt à parler. Il
savait que Kaminski était un nom polonais, et il savait ce qu’ils avaient fait
à Varsovie. Il suffisait que je dise : « Sergent Kaminski, il y a un
type qui ne veut pas parler » pour que l’Allemand me réponde :
« Ne l’appelez pas, je

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