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La bonne guerre

La bonne guerre

Titel: La bonne guerre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Studs Terkell
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être resté
en arrière. On m’a envoyé à Camp Ritchie, dans le Maryland, pour me former à l’espionnage.
    Ils ont choisi vingt-huit d’entre nous qu’ils ont fait
monter dans un bus pour nous conduire jusqu’à la boite postale 1142, à
Alexandria, en Virginie. C’est là que nous devions faire notre boulot. Nous n’irions
pas dans le Pacifique. Dans l’unité, sur les vingt-huit, vingt-sept étaient nés
en Europe. Ils venaient de Vienne, de Brno, de Prague ou de Luxembourg. Après
dîner, au lieu de sortir avec des filles, nous lisions Platon ou Machiavel.
    À la boite postale 1142 j’ai été chargé de l’assistance
psychologique aux généraux allemands qui avaient été capturés et envoyés à
Washington. Ils venaient soit de la Wehrmacht, soit des Waffen SS. Ils avaient
tous une chose en commun : ils avaient combattu sur le front russe. Je
devais essayer d’obtenir le maximum de renseignements dans un seul domaine :
l’organisation de l’Armée rouge. Sur l’Allemagne pas le moindre truc. Même à
cette époque, quelques mois à peine après le débarquement, le gouvernement
américain se préoccupait déjà de la seconde phase du conflit.
    Je n’étais pas censé recourir à une quelconque forme d’interrogatoire.
Il fallait que je maintienne leur moral pour qu’ils se sentent d’humeur à
parler spontanément de tout ce qu’ils voulaient concernant l’Armée rouge. Je
leur fournissais des foules de choses : de l’alcool, des journaux. Un jour
j’ai eu la fâcheuse idée de leur apporter The Nation et un numéro de PM [19] . Cela m’avait paru tout à fait normal dans un pays libre. Quand mes
supérieurs ont découvert que je leur faisais passer ce genre de littérature, ils
m’ont dit en termes clairs que je pouvais leur fournir Life , le New
York Times et le Reader’s Digest, mais que pour l’amour du ciel je m’abstienne
de tout autre chose du genre de ce que je leur avais donné.
    Un jour, au cours d’une discussion, ils m’ont dit que la
seule erreur de Hitler avait été de s’en prendre aux Juifs. Tout le reste ne
posait pas de problème. Ils savaient, bien entendu, que ce genre de discours
plaisait à Washington. Je suis sorti de mes gonds, et j’ai répliqué en hurlant
en allemand aux deux officiers qui venaient de me déclarer ça : « Vous
êtes vraiment des ordures de la dernière espèce. Vous me dites ça à moi. À
quelqu’un d’autre vous diriez autre chose. Comment voulez-vous que je croie un
mot de ce que vous dites ? Si vous pensez que c’est sa seule erreur, eh
bien elle se pose là, figurez-vous ! »
    Comme il n’y avait pas un centimètre carré de cet endroit
qui ne fût équipé de micros, quand je suis allé faire mon rapport on m’a fait
écouter le disque sur lequel toute ma conversation avec les deux officiers
avait été enregistrée. Deux capitaines m’ont conduit auprès du commandant du
camp, qui m’a rappelé que j’avais reçu l’instruction de maintenir le moral de
ces hommes. « Vous ne devez pas vous disputer avec eux, arrangez-vous
seulement pour qu’ils se sentent heureux. » Il fallait que j’écoute et que
je me taise. Il a détruit le disque enlebrisant sur ses genoux.
Si cela devait se reproduire, j’aurais de sérieux ennuis. Je passerais en cour
martiale pour désobéissance aux ordres.
    Je suis également devenu responsable de l’assistance
psychologique à Wernher von Braun et à trois autres grands savants qui avaient
été amenés ici. Évidemment, à ce moment-là, c’était la lutte effrénée avec les
Soviétiques pour la capture du personnel qui avait travaillé à Peenemünde, centre
où les Allemands mettaient au point leurs fusées. Les Soviétiques ont, bien sûr,
récupéré leur lot d’Allemands. Tout le monde a eu ses Allemands pour se
préparer au prochain gros clash.
    Ces savants ont été les quatre premiers à arriver. À part
von Braun, il y avait un spécialiste en tunnels aérodynamiques, un spécialiste
en lumière infrarouge, et le dernier avait une espèce de spécialité gadget qui
devait devenir terriblement importante pour l’avenir de la technologie
militaire. Ils avaient été amenés là avec la promesse d’obtenir la nationalité
américaine au bout de six mois, je crois. C’était l’opération Paper Clip.
    Vers novembre 1945, peu de temps après la victoire, ils sont
venus me trouver. Derrière mon dos ils m’appelaient der kleine Judenbube, le
petit Juif. Je ne

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