La bonne guerre
notre société, et je suis prêt à me
battre tous les jours pour la défendre. J’ai deux filles et deux petits-enfants,
et il est tout à fait certain que je serais prêt à défendre leurs droits, tout
comme l’ont fait mes ancêtres pour moi. En dépit de tout ce que nous fait le
gouvernement maintenant.
Au cours des quatre ou cinq derniers mois, nous avons
découvert une preuve irréfutable, cachée dans une des caves d’une bibliothèque
de Los Angeles, concernant les participants à l’opération Crossroads. Les
savants qui y étaient présents avaient déclaré que ceux qui avaient assisté aux
essais risquaient, par la suite, de poser beaucoup de problèmes. On a confié
ces documents à un comité juridique de Washington, mais personne n’en a parlé
nulle part.
Ces hommes qui se sont trouvés exposés aux radiations, c’était
exactement comme s’ils s’étaient fait tirer dessus à bout portant par l’ennemi.
Sauf que nos blessures à nous ne sont apparues que trente ou quarante ans après.
C’est évidemment difficile de dire maintenant : « Hé, Oncle Sam, c’est
de ta faute si j’ai été irradié et que je suis malade. » C’est quelque
chose que j’ai dans mon corps depuis tout ce temps-là. Vous savez, au Japon on
m’a fait une analyse de sang spéciale, pour examiner mes chromosomes, et on a
découvert les traces de contamination. Pourquoi est-ce qu’on ne fait pas ce
type d’examen aux États-Unis aux vétérans des essais atomiques ?
J’ai écrit au Président, mais je n’ai jamais reçu de réponse,
parce que le courrier est toujours transmis au bureau des Anciens combattants. Et
le bureau des Anciens combattants répond toujours : Il faut que vous vous
adressiez aux représentants locaux des Anciens combattants.
La Bible dit qu’il ne faut pas être aigri, elle dit aussi qu’il
faut savoir tendre l’autre joue. J’ai longuement réfléchi avant de tendre l’autre
joue. Est-ce que j’ai eu tort, là aussi ? Je me suis posé beaucoup de
questions en mon âme et conscience, et je ne pense pas que j’aie eu tort de
faire ce que j’ai fait. J’ai agi comme on m’avait dit de le faire quand j’étais
à l’armée, et on peut le lire dans mon rapport de service. Vous ne trouverez
pas une seule tache dans ce rapport, ne parlons pas de cour martiale, ni même
de faux pas.
J’étais un gosse des montagnes, et quand mon Oncle Sam me
disait de faire quelque chose je le faisais. J’ai signé le serment de loyauté, oui
monsieur, et nous n’avons jamais parlé de tout cela. À mon retour, je n’en ai
même jamais rien dit à ma femme. Ma mère n’en a jamais rien su. Quand j’ai
commencé à avoir des problèmes, je me suis dit : « Que pourrait-il
bien me faire de plus après tout ce qu’il a déjà fait ? » J’ai donc
tout raconté. Je crois que l’Oncle Sam a le devoir de prendre en charge ses vétérans.
Si mon chien, qui est venu vers vous en aboyant, vous avait
mordu, il aurait été de mon devoir de prendre soin de vous. Seulement il se
trouve que je savais que mon chien ne vous mordrait pas. Pourtant, s’il l’avait
fait, j’aurais eu une obligation envers vous. Donc si l’Oncle Sam laisse s’échapper
un monstre qui s’attaque aux gens, pourquoi, lui, n’aurait-il pas ce type d’obligation ?
Moi je n’y échappe pas, mais eux si, apparemment.
Savaient-ils que leur chien pouvait mordre ?
Oh oui, absolument. La toute première expérience avait eu
lieu le 16 juillet 1945 au Nouveau-Mexique. Ils ne contrôlaient pas du tout la
bombe, et ne savaient pas ce qu’ils faisaient exploser. Et juste un mois plus
tard ils larguaient ces deux bombes qui détruisaient entièrement deux villes, pleines
de vieillards et d’enfants, sans toucher la moindre installation militaire. Et
ensuite, sept ou huit mois plus tard, sans beaucoup plus de données, ils en
refaisaient exploser deux autres. Ils n’avaient même pas l’équipement adéquat
pour mesurer les radiations alpha et bêta, qui m’ont justement contaminé. Ces
expériences n’ont certainement pas tenu compte des hommes qui étaient présents.
On s’est servi de nous comme de cobayes.
Il montre une peinture sur le mur du fond de la pièce. « Vous
voyez ce tableau là-bas, au-dessus de la télévision ? Vous voyez la signature ?
C’est ma femme qui a fait çà. » Il est fier de sa femme.
Il y a aussi une petite statuette dorée sur la cheminée. Elle
représente le jeune
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