La bonne guerre
personnel, et une structure internationale. Pas un
seul ambassadeur des États-Unis en Europe ne prend une décision de quelque
importance sans consulter Bernie Rogers. C’est l’homme le plus important d’Europe ;
et il est bien en place. Vous ne pouvez pas lui faire perdre son poste.
Notre armée dirige notre politique étrangère. Le Département
d’État ne fait rien de plus que de superviser et rattraper les bourdes de l’armée.
Le Département d’État est devenu le laquais du Pentagone. Cela ne s’était
jamais produit avant la seconde guerre mondiale. Il y avait un ministère de la
Guerre, un ministère de la Marine. Ils ne venaient sur le devant de la scène
que s’il y avait une guerre. En dernier ressort, le contrôle était laissé aux
civils. La seconde guerre a tout transformé.
Je ne pense pas avoir changé. J’étais un bon capitaine. J’étais
dur. Je me démenais à la tâche pour que mon bateau et mes hommes soient les meilleurs.
J’aimais la mer et je l’aime toujours. Je pense que les États-Unis ont changé. Essayer
de régler les différends par des moyens pacifiques ne fait plus partie de leurs
principes. C’est à partir de la seconde guerre que nous avons commencé à utiliser
notre force militaire pour obtenir ce que nous voulions dans le monde. C’est à
ça que sert l’armée. Il n’y a pas très longtemps, le Pentagone a fièrement
annoncé que depuis la seconde guerre les États-Unis ont 215 fois utilisé la
force militaire pour régler des problèmes internationaux. C’est ça qui leur
plaît au Pentagone : la force militaire pour imposer la volonté nationale.
Maintenant, bien sûr, il y a les armes nucléaires.
Les armes nucléaires sont devenues des armes
conventionnelles. Nous avons sérieusement envisagé de les utiliser au Viêt-Nam.
J’étais moi-même au Pentagone à essayer de déterminer les objectifs que nous
viserions. Nous avons étudié tous les moyens de gagner cette guerre, croyez-moi.
Seulement, nous ne parvenions pas à trouver d’objectif satisfaisant. L’opprobre
qui se serait manifesté en cas d’utilisation d’armes nucléaires ne nous
inquiétait pas.
J’étais au Viêt-Nam. J’ai vu ce gâchis insensé de vies
humaines. J’ai vu ces groupes de marines descendre des bateaux à air
conditionné. Rien n’était trop bien pour nos marins, nos soldats et nos marines.
On débarque ces beaux gamins de dix-neuf ans, en pleine santé, un peu bravaches,
et on rembarque leurs corps dans des sacs de plastique noir. Il ne reste plus d’eux
que quelques petits morceaux, des viscères et des membres qui ne rentrent pas
dans les sacs. Puis, à la lance d’incendie, on nettoie le pont et on pousse ces
trucs-là par-dessus bord.
Je me suis porté volontaire pour aller combattre au Viêt-Nam.
Je ne me suis même pas demandé si c’était dans l’intérêt de la nation.J’étais officier de marine et il y avait une guerre. J’espère
qu’en vieillissant, on devient plus malin.
Vous pourriez dire qu’il fallait que la seconde guerre ait
lieu. Que Hitler devait être arrêté. Malheureusement nous appliquons le même
raisonnement à la situation actuelle. J’ai rencontré quelques Russes pendant la
seconde guerre, des officiers de marine. Ils me donnaient l’impression d’être
des êtres humains comme les autres. J’avais déjà été échaudé quand on m’avait
appris à haïr les Japonais avec tant d’ardeur. Jusque-là, je ne voyais pas de
raison valable pour haïr les Russes qui, je le savais, avaient vaillamment
combattu pendant la seconde guerre mondiale.
Je pense qu’ils veulent être reconnus comme une grande puissance
mondiale et qu’ils cherchent peut-être à étendre leur hégémonie sur le monde
entier. Je pense qu’il nous faut concurrencer le communisme partout où il
apparaît. Notre erreur c’est d’essayer de le stopper avec des fusils. Avec de
telles méthodes ceux que nous essayons de gagner à notre cause nous deviennent
hostiles. En réalité les Soviétiques n’ont d’influence que dans leurs pays
satellites. Ils ont fait un fiasco dans les autres pays. Pourtant l’ours Michka
influence à peu près toutes nos actions. Je serais curieux de savoir jusqu’à
quel point, dans ma génération, nous avons été conditionnés à haïr les Russes. Je
me souviens du livre de Tom Swift que je lisais quand j’avais treize ans : Prenez-garde à Michka, L’ours russe.
La seconde guerre a faussé notre manière
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