Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La bonne guerre

La bonne guerre

Titel: La bonne guerre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Studs Terkell
Vom Netzwerk:
arrivaient là, ils étaient effrayés et ne savaient que
faire. Moi je leur conseillais d’abandonner. Je leur conseillais de ne pas
faire comme moi.
    À cette époque, un des passe-temps favoris dans l’armée, surtout
dans les services secrets, c’était de débusquer les homosexuels. Contrairement
à la période de la guerre, l’armée se préoccupait alors énormément de l’homosexualité.
On nous avait distribué un texte abominable à lire aux jeunes recrues, parce qu’on
ne nous faisait pas confiance, à nous aumôniers, pour en discuter librement et
donner nos propres explications. Nous avions pour consigne de ne faire aucun
commentaire, le texte devait être lu in extenso, tel quel. Il manquait
passablement de finesse : l’homosexualité est un péché mortel, c’est un
crime. Si vous vous faites prendre, il vous arrivera des choses horribles. La
plupart des homosexuels sont des drogués, et vous finirez sûrement comme ça.
    C’était le contrecoup de la politique de McCarthy. On
croyait vraiment que les homosexuels présentaient un risque pour lasécurité du pays. Enfin, c’était toujours ce qu’on leur
reprochait quand on les mettait à la porte.
    Bien sûr ces gosses étaient affolés, terrorisés à l’idée de
se faire prendre. Quand ils venaient me voir je leur disais simplement qu’il n’était
pas question que je les dénonce. Que j’avais conscience de la confiance qu’ils
m’accordaient, mais que s’ils m’en donnaient la permission je les aiderais à
quitter l’armée le plus tôt possible, parce que s’ils faisaient un faux pas et
qu’ils se faisaient prendre, ils le paieraient très cher.
    Pendant ce temps je menais toujours une vie très
circonspecte, la sublimant en pratiquant encore le football à l’âge de
trente-quatre ans. On m’appelait l’aumônier au suspensoir. J’étais un athlète
complet. Au bout de deux ans je suis parti poursuivre des études supérieures à
la Pacific School of Religion à Berkeley. Une fois encore je me suis retrouvé
sans le sou, et comme j’étais toujours réserviste j’ai accepté d’être envoyé en
octobre 1961 au Camp Pendleton auprès de la l re division de marines.
C’est là que j’ai eu des ennuis.
    Mon assistant aussi était gay, et pendant un an et demi, on
a vécu comme un couple d’amoureux. Dans le secret. Je louais un appartement en
dehors de la base, ou parfois il nous arrivait d’aller dans un motel. En fait, après
nous être fait prendre, j’ai toujours pensé qu’ils n’auraient pas dû nous virer
comme ça. Ils auraient dû nous accuser de monter un complot. (Il rit.) Pour
la difficulté à avoir eu une liaison, comme ça, sous leur nez.
    Donc un jour je me suis fait arrêter. J’ai reçu un coup de
fil de l’aumônerie de la division : « On veut vous voir immédiatement. »
J’y suis allé en voiture, et deux grands types en civil, vêtus de costumes
sombres, ont exhibé leurs plaques et m’ont dit : « Vous êtes en état
d’arrestation. » Ils m’ont conduit à San Diego, au quartier général des
services secrets de la marine, et ont commencé l’interrogatoire. J’étais accusé
d’avoir violé l’article 125 du Code unique de justice militaire : sodomie.
Le CUJM était né au début des années cinquante.
    Ils sont entrés dans tous les détails cliniques de ma vie
sexuelle, le genre de choses que vous ne raconteriez même pas à votre analyste.
Des questions tout à fait intimes, et devant tous ces gens hostiles. Avec une
grosse bonne femme qui prenait ça en note à cent vingt mots minute. Ils étaient
cinq ou six dans la pièce. Ils voulaient tous les détails. Toute une mise en
scène pour vous torturer. Rien de physique, tout dans le psychologique et les
sentiments.
    J’ai été démis de ma fonction à des conditions rien moins qu’honorables,
et chassé de la marine sans plus de cérémonie. J’ai perdu tous mes droits d’ancien
combattant, tout ce qui m’était dû au titre de ma participation à la seconde
guerre mondiale dans les marines. Cela se passait en 63.
    Depuis, en partie à cause du Viêt-Nam, l’armée s’est
libéralisée. Après une période dans le civil, une personne qui a été renvoyée
dans de telles circonstances peut demander une révision de son cas. Un avocat s’est
chargé de l’affaire dix-sept ans plus tard. Le jury du procès en révision a
voté ma réhabilitation à l’unanimité et m’a restitué tous mes droits.
    Maintenant

Weitere Kostenlose Bücher