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La bonne guerre

La bonne guerre

Titel: La bonne guerre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Studs Terkell
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de voir les choses
aujourd’hui. Nous nous référons à cette guerre qui était en un sens une bonne
guerre. Mais le souvenir déformé qu’ils en ont encourage les hommes de ma
génération à vouloir, parfois même ardemment, utiliser notre force militaire
partout dans le monde.
    Après la guerre, pendant près de vingt ans, je n’ai pas pu
regarder de film sur la seconde guerre mondiale. Cela aurait ravivé des
souvenirs que je ne voulais pas retrouver. Je détestais cette façon de
glorifier la guerre. Dans tous ces films les gens sautent tout habillés sur les
mines et retombent gracieusement sur le sol. Vous ne voyez jamais quelqu’un se
faire déchiqueter. Vous ne voyez jamais des bras, des jambes, des corps mutilés.
Vous ne voyez qu’une version propre et aseptisée de la mort glorieuse. J’ai
horreur d’entendre dire : « Il a donné sa vie pour sa patrie. »
Personne ne donne sa vie pour quoi que ce soit. Nous volons les vies de ces
gosses. Nous les leur arrachons. Ils ne meurent pas pour l’honneur et la gloire
de leur patrie. Nous les tuons.
    Il y a près de trois semaines je suis allé dans une église à
Champaign dans l’Illinois. Il y a une plaque devant l’autel : « Honneur
aux hommes qui sont morts, qui ont été blessés et qui ont combattu pendant la
seconde guerre mondiale. » Sur la gauche, on lit : « Pour Dieu. »
Sur la droite : « Pour la Patrie. » Nous avons fait de la guerre
un acte religieux. Quelque part dans la Bible, il est écrit : « Rendez
à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui appartient à Dieu. » Qu’avons-nous
fait de ce précepte ?

Général William Buster
    Lexington, Kentucky. Originaire d’Harrodsburg, il était
trop jeune pour rejoindre l’unité de la Garde nationale de la ville qui est
devenue la compagnie D, du 192 e bataillon de chars. Cinquante-six de
ses membres se trouvaient à Bataan et à Corregidor et ont passé trois ans et
demi dans des camps de prisonniers japonais.
    « J’ai été affecté à la 2 e division
blindée et j’ai participé aux invasions d’Afrique du Nord de Sicile, et au débarquement
en Normandie au jour J plus 3. »
    Presque aussitôt après mon arrivée à Fort Knox, l’expansion
de l’armée a commencé. Quand j’ai été diplômé de West Point en 1939, l’armée d’activé
des États-Unis comptait 186 000 officiers et soldats. Les hommes
stationnés à Washington n’avaient même pas le droit de porter leur uniforme. À
l’époque il n’y avait aucune présence militaire à Washington. L’armée était
dans l’ombre, à l’écart de la vie publique. C’est avec l’invasion de la Pologne
par les Allemands que les choses ont commencé à prendre une tournure différente.
    J’ai réalisé pour la première fois qu’il y avait du
changement dans l’air lors du discours prononcé pour notre remise de diplômes. Notre
officier nous expliquait que nous sortions de l’école avec le grade de
sous-lieutenant, mais qu’en cas de conflit nous deviendrions commandant en
moins d’un an. (Il rit.) Nous avons ri, bien sûr. C’est pourtant bien ce
qui s’est passé, j’étais lieutenant colonel à la fin de la guerre.
    Quand nous avons débarqué en Afrique du Nord, le 8 novembre
1942, nos troupes n’étaient absolument pas entrainées. C’étaient des bleus à
qui il a fallu tout apprendre. Certains des jeunes types qui se présentaient au
centre d’accueil de Fort Benning n’avaient même pas de chaussures. Ils avaient en
tout et pour tout une chemise et un pantalon. Ils n’avaient pas d’affaires de
toilette, pas de bagages, rien. Ils arrivaient de l’Alabama, du Kentucky, des
deux Carolines. Nous en avions plein de Louisiane aussi. C’était la première
fois qu’ils quittaient leur famille. Je veux dire par là qu’ils n’avaient
vraiment jamais rien vu. L’armée s’est développée tellement rapidement, il n’y
a pas eu de préparation.
    Les bateaux ont été chargés à Norfolk pour l’invasion de l’Afrique.
Ce qui devait être débarqué en dernier a été embarqué en premier et ainsi de
suite, afin que le débarquement sur la plage se fasse selon l’ordre établi, avec
en tête les véhicules qui avaient été embarqués les derniers.
    L’invasion s’est faite en trois groupes. La Western Task
Force, dont je faisais partie, a attaqué le Maroc. La Central a débarqué à Oran.
Le troisième groupe à Alger. En fait nous luttions contre la France

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