La bonne guerre
chevaux, et quelques armes très archaïques. C’était peut-être
une des raisons pour lesquelles ils ne voulaient pas nous laisser entrer dans
Berlin. Ils voulaient avoir le temps d’évacuer leurs troupes minables et de
faire entrer leurs troupes d’élite pour nous épater.
J’ai quitté ma division en août 45 et j’ai dû me rendre au
Pentagone. J’ai immédiatement découvert que notre division devait participer à
l’invasion du Japon. J’ai prétendu que nous avions encore beaucoup à faire en
Europe. Que nous commencions à avoir des problèmes avec les Yougoslaves. Vous
vous souvenez qu’ils avaient abattu un de nos C 47 ? D’ailleurs la 82 e division aéroportée basée à Berlin avait été mise en alerte, et nous avions des
troupes prêtes à entrer en Italie, du fait de la situation là-bas. À ce
moment-là les Russes commençaient à ne plus respecter leurs accords. Nous
étions très anti-Soviétiques à cause de leur manque de coopération.
Les quotas d’immigration avaient été considérablement
assouplis. Le gros problème étant celui des personnes déplacées. Je suis devenu
expert en la matière. (Il rit.) La réinsertion des Juifs en Allemagne et
en Autriche était un des problèmes. Un problème épineux. L’économie allemande
était au plus bas, et il n’y avait pas d’autre solution que de loger ces gens
dans les familles allemandes. Cela revenait très cher. D’après nos calculs il
fallait compter pour les épouiller, les laver, les soigner et tout le reste, 811
dollars par personne.
Dans l’armée il a fallu que je mûrisse rapidement. À ma
sortie de West Point je ne savais même pas par quel côté on regardait dans une
lunette de visée. À vingt-cinq ans je commandais un bataillon de combat. (Il
rit.) Les responsabilités vous tombaient dessus très vite.
La seconde guerre mondiale est vraiment la seule guerre pour
laquelle le peuple américain ait fait preuve de dévouement et de patriotisme. Si
les gens ont conscience d’avoir des raisons valables d’agir, ils le font avec
enthousiasme. S’ils se posent des questions, c’est plus difficile.
J’ai lu récemment le livre de Bernard Fall sur le Viêt-Nam : Indochine, 1946-1962 : chronique d’une guerre révolutionnaire. Quand
on a lu ce livre, on se demande vraiment s’il fallait aller au Viêt-Nam. Moi je
crois qu’il fallait. Ce qui est dommage c’est qu’on ne soit pas allés jusqu’au
bout et qu’on n’ait pas fait tout ce qu’il fallait. D’autre part ç’aurait été
terrible si nous avions fait tout ce qu’il fallait pour gagner.
Je crois que l’épée de Damoclès est toujours suspendue
au-dessus de nos têtes. Je ne suis pas du tout pour la guerre. Je pense
toujours : « Bénis soient ceux qui recherchent la paix. » Il n’empêche
que pendant qu’ils recherchent la paix il faut bien qu’il y ait quelqu’un qui
les protège.
Bombardiers et bombardés
John Kenneth Galbraith
Economiste, mémorialiste, John Kenneth Galbraith a
également été ambassadeur en Inde.
Le grand principe de la stratégie américaine pendant la
guerre était le suivant : nous avons des avions, donc ils doivent servir.
Durant l’année 1944, Roosevelt a réalisé que l’action de l’armée
de l’air était largement exagérée et purement intuitive. Il a accepté, comme il
le lui avait été suggéré à diverses reprises, qu’une commission composée de
civils accompagnât les troupes au cours de leurs déplacements en France et en
Allemagne afin d’observer le déroulement des opérations.
C’est ainsi qu’au printemps 1945 j’ai été invité à faire
partie de cette commission par George Bail et Paul Nitze. À nous trois, nous
formions le noyau d’une opération placée sous la direction de Henry Alexander, membre
de la société J.-P. Morgan. Ce qu’il y avait de bien c’est que nous nous
trouvions très à l’écart des zones de combat. Il y avait d’ailleurs un certain
nombre de personnes qui appréciaient ce genre de situation, y compris quelques
généraux.
Les résultats ont été tout à fait probants. Les
bombardements anglais et américains avaient eu un effet bien inférieur à celui
escompté. L’industrie militaire allemande avait continué à augmenter sa
production jusqu’à l’automne 1944, en dépit des lourdes attaques aériennes qu’elle
subissait. Certaines des attaques dont on s’était tellement glorifiés, comme
celles dirigées contre les
Weitere Kostenlose Bücher