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La bonne guerre

La bonne guerre

Titel: La bonne guerre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Studs Terkell
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l’après-midi tandis
que deux ladies préparaient du thé et servaient des petits gâteaux. Ça
leur mettait du baume au cœur. On disait : « Et si on se chantait une
petite chanson ? » On avait transformé le dernier étage en salle de
jeu où des girl-scouts venaient s’occuper des enfants pour soulager un peu les
pauvres mères de famille. Celles qui étaient avec leurs bébés de jour comme de
nuit et dont les logeuses étaient insupportables.
    Une fois, après avoir été évacuée, on m’a donné une maison
que les gens venaient juste de quitter. Elle était très jolie. Je n’aurais
jamais pu m’offrir une maison pareille en temps normal. Ces gens de la très
haute société m’ont dit : « Vous avez l’air sérieuse. Nous sommes
sûrs que vous en prendrez soin, c’est pour cela que nous vous en laissons la
jouissance pendant toute notre absence. » Il y avait une balançoire dans
le jardin et tout le confort. C’était le bureau des évacués qui prenait en
charge la répartition des habitations vides. En temps de guerre des lois
peuvent être décrétées en l’espace de quelques heures. C’est ainsi que les gens
qui abandonnaient leurs propriétés se les voyaient confisquées pour la durée de
la guerre.
    Le jour du débarquement de 1944 en Normandie approchait.
    Ils m’ont laissé leur maison cinq ans encore après la guerre,
car je n’avais nulle part où aller à Londres. Il s’agissait d’un pasteur et de
sa femme, ils avaient perdu un fils dans un camp de prisonniers nazi. Le vieux
pasteur était mort et sa femme était partie vivreavec
sa fille en Nouvelle-Zélande. Je payais un très petit loyer. Il couvrait juste
le montant de ses impôts fonciers.
    À cette époque, ceux qui avaient un petit coin à eux dans la
maison de quelqu’un pouvaient s’estimer heureux. Il n’y avait plus de maisons
où retourner s’installer. Les gens survivaient comme ils pouvaient. Je sais que
les Américains n’ont jamais connu les bombardements. Et je ne leur souhaite pas
de les connaître, d’ailleurs. Mais je souhaite qu’ils réfléchissent un peu
avant de s’engager dans des guerres, parce qu’un jour ça viendra jusque chez
eux et alors là ils pourront toujours prier le bon Dieu. J’avais de la peine
pour les Allemands aussi. Ils ont dû souffrir. On a des idées idiotes quand on
est jeune : « Si seulement je pouvais voir Hitler, tiens, dès demain
je lui tirerais une balle dans la peau. » Hitler est mort, ce n’est pas
formidable, non ? Pourtant ça n’a pas tout résolu d’un coup.
    Après la guerre, on a cru qu’on allait connaître un monde
meilleur. Je me souviens comme si c’était hier que je débordais de joie. Je n’ai
plus jamais éprouvé un bonheur pareil. Tous les gens s’entraidaient parce qu’ils
avaient vécu des choses abominables.
    Les conditions de logement étaient terribles. Quand les
hommes sont rentrés et qu’ils ont vu que leurs femmes dormaient dans ces abris
souterrains, et que les semaines se suivaient sans que rien ne se passe, ils
ont envahi l’hôtel Savoy et l’ont squatté. À l’époque, c’était le meilleur
hôtel de Londres. Les ouvriers ont soutenu leur mouvement. Ils se sont rendus
dans les grands hôtels et les démobilisés faisaient descendre des seaux au bout
de cordes, et on mettait dedans tout ce qu’on pouvait trouver comme nourriture.
Ils ont occupé ces hôtels pendant une éternité. Les autorités étaient prises de
court et pensaient que c’était le début du bolchevisme ou que sais-je encore. Les
soldats ont squatté les hôtels pendant près de six mois, de façon plus ou moins
suivie. Ensuite le gouvernement a bâti des maisons préfabriquées. Elles étaient
faites en une journée. Tous les ouvriers du bâtiment qui étaient disponibles
étaient réquisitionnés pour la construction de ces maisons.
    À cette époque notre famille n’avait pas de foyer. Alors mon
mari a décidé de se transformer en homme-sandwich. Vous voyez ce que je veux
dire ? Il portait un grand panneau sur le ventre et un autre sur le dos. Il
avait écrit : « Vous avez des maisons pour les touristes mais pas
pour les anciens soldats. » Et il arpentait les rues comme ça. J’ai
téléphoné à un journal et je leur ai dit ce qu’il avait voulu faire. Deux jours
après on nous proposait une jolie maison.
    La guerre a été un désastre pour ma vie professionnelle. J’ai
dû renoncer à faire une carrière. J’avais un

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