Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Cabale des Muses

La Cabale des Muses

Titel: La Cabale des Muses Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gerard Hubert-Richou
Vom Netzwerk:
pensée l’égratignait par-dessous. Un sujet personnel. De sa mission à Rochefort, il n’était pas revenu seul ! Il avait ramené une farouche conquête, une sauvageonne à la peau tannée qu’il escomptait cajoler et s’attacher un peu plus pendant deux semaines de repos afin de compenser l’abstinence qu’il s’était imposée tout au long de l’enquête. La tâche qu’il venait d’accomplir méritait cette courte vacance, ne serait-ce que pour se requinquer et soigner tout à fait les blessures reçues au cours de son séjour mouvementé à l’arsenal. Il avait donc négligé de préciser son lieu de résidence… mais Gabriel Nicolas de La Reynie était renseigné sur tout et sur tous, et en particulier sur ses propres hommes par un réseau, un entrelacs serré d’informateurs de toute espèce. Dès le lendemain matin, à l’aube, il le convoquait à son cabinet. Avant midi, Géraud suivait l’estafette, la tête basse, la mine sombre et renfrognée ; ils franchissaient la porte Saint-Martin en direction du nord, salués sur la droite par trois moulins frondeurs, dressés sur leur courte butte.
    Géraud oscillait entre deux sentiments plus contradictoires que complémentaires : le fait – flatteur – de devenir un collaborateur privilégié pour les affaires délicates et… l’impression de n’être qu’un pion que l’on promène à volonté sur un échiquier grandeur nature.
    Le lieutenant de police lui avait montré de la gratitude, l’avait complimenté et lui avait promis une récompense, voire une rapide promotion, mais l’avait aussitôt renvoyé sur les routes…
    Il rajusta son étrier droit que, par inattention, il avait laissé glisser jusqu’au talon. Le paysage se déroulait sans grand relief, mais on n’est jamais à l’abri d’un imprévu. Nouveau renvoi amer : il aurait souhaité aller embrasser ses parents sur le coteau de Chennevières, ses sœurs…
    Il se concentra sur le galop grisant. Ils doublèrent une charrette de foin, du sommet de laquelle un gamin les salua ; puis une carriole de marchand ambulant au chargement hétéroclite arrimé en dépit du bon sens, croisèrent encore un bouvier et son troupeau. La voie s’offrit dégagée à nouveau… et son esprit de nouveau libre de divaguer ! Il jeta un coup d’œil au lieutenant dans l’espoir que celui-ci relance la conversation sur un autre sujet. Il était tendu vers l’objectif comme une arbalète, coupant un virage, allongeant la foulée pour répondre à son attente première et lui être agréable.
    Maline était belle et sauvage. C’était un brasier, une lionne au corps de déesse, issue des plus pauvres cayennes où s’entassait la lie des ouvriers qui construisaient l’arsenal de Rochefort. À vingt ans, elle avait vécu dix vies, avait failli s’embarquer avec les filles de La Rochelle pour peupler le Nouveau Monde quand ils s’étaient croisés. Mais elle n’était pas seule ! Concession : Géraud avait accepté d’emmener sa cadette, âgée d’environ onze ans, Lisa qui, au cours de l’enquête, s’était montrée d’une malignité et d’une efficacité remarquables. Il lui devait bien ça. C’est dans ce triple équipage qu’il avait regagné la capitale. Il louait un meublé dans une maison modeste. Il les y avait installées… et avait battu en retraite sur une courte explication, en leur laissant assez d’argent pour vivre un mois. Cette séparation prématurée et amère qui ressemblait à une fuite involontaire, le rongeait. Il était trop attaché aux deux sœurs, s’estimait envers elles un devoir qu’il n’avait qu’ébauché.
    Il poussa un grognement de frustration et jeta son étalon à travers champs afin de couper une large boucle inutile. Le lieutenant réagit dans la seconde et suivit sa trace. Les mottes lourdes giclaient sous les sabots. Les chevaux forçaient le train, mais cette variante ne leur déplaisait pas. Ils épargnèrent les cultures de blé et de seigle autour d’un village, franchirent un talus et retrouvèrent bientôt la routine de la ligne droite.
    Oui, Géraud enrageait intérieurement. Il estimait avoir mérité un sort meilleur, mais il était impensable de désobéir. D’autant qu’il allait rencontrer le roi !… Maline n’était pas le genre d’oiselle à se lover au creux d’un nid, à le tapisser de son duvet. Elle avait sur la langue le grain de sel de l’aventure. Et Lisa était une finaude, curieuse de tout, qui ne

Weitere Kostenlose Bücher