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La canne aux rubans

La canne aux rubans

Titel: La canne aux rubans
Autoren: Jean Grangeot
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allons à la
Calea Victoriei. Tu vas vivre tes premières minutes à l’heure de Bucarest et
voir quelques-unes de nos avenues et de nos rues. Demain, tu feras plus ample
connaissance avec les richesses de notre passé.
    Corneliu me montre du doigt telle église, tel monument en
les nommant et me donnant rapidement de brèves explications. Tous ces vocables
roumains me semblent très difficiles à retenir. Cette langue a une âpreté et
une douceur chantante presque musicale. Je me contente d’écouter mon ami en
hochant la tête.
    — La Calea Victoriei se trouve en plein centre de la
ville et tu y trouveras tout ce que tu désires. Ton hôtel s’appelle :
Hôtel Bulevard. C’est le plus ancien de Bucarest. Il a été construit en 1867.
    — L’année de ma naissance !
    Corneliu marque un temps puis éclate de rire.
    — C’est une coïncidence heureuse, Adolphe. Je ne l’ai
pas fait exprès.
    — Moi non plus, l’ami, dis-je en souriant.
    Cette simple réflexion spontanée me donne un sursaut de vie.
Il y a bien longtemps qu’une telle réplique ne m’était venue à la bouche.
    — Je suis certain que l’air de la Roumanie va te
convenir Adolphe. Laisse-toi aller.
    Arrivés devant l’hôtel, un portier chamarré d’or se
précipite pour prendre les bagages. Corneliu lui dit quelques mots et nous
descendons.
    — On continue à pied. La nuit est tombée, mais tu vois
que nos rues valent vos grands boulevards ou presque !
    Quelques minutes plus tard, mon guide pousse une grosse
porte en bois ornée de vitraux. Nous sommes chez Tripcovica, un petit bodega
(bistrot) qui se flatte de posséder une clientèle de choix. L’apéritif que nous
prenons ressemble à un rituel. Ici, gros propriétaires, intellectuels,
professeurs, ingénieurs sont debout buvant et mangeant tout à leur aise.
L’apéritif est autant solide que liquide. Il y a des sandwiches de toutes
sortes composés de sardines, caviar, jambon, filets de saumon, kiftels, arrosés
par des verres de Tuica (eau-de-vie de prunes) et de bon vin blanc sec. Les
clients font beaucoup de bruit et parlent en majorité un français roulant les
r.
    — Tu vois Adolphe, Bernier a eu raison de m’annoncer
ton arrivée, ça se fête !
    Nous quittons Tripco pour Mircea, un autre bistrot,
concurrent du premier, où nous retrouvons Marinescu qui me donne une joyeuse
accolade.
    — Quelles sont tes premières impressions ?
    — Excellentes, mais ça demande à être plus fouillé.
    — Tu as tout ton temps, me dit Marinescu.
    — Déguste, mon frère. Cueille la rose, surenchérit
Corneliu.
    Dans un coin de la grande pièce principale deux musiciens
jouent du luth ou cobza et de la cithare. On a l’impression d’entendre le
miaulement du vent dans les branches d’arbres ou le clapotement d’un ruisseau.
En sortant de chez Mircea, une bise aigre me fait frissonner. Corneliu se moque
de moi :
    — Tu ne vas pas attraper un rhume roumain
Adolphe ! Allons dîner.
    — Je n’ai plus faim après cet apéritif copieux.
    — Tiens, prends et goûte une cigarette du pays. Ici tu
as deux marques principales : les Marasesti qui sont des espèces de
Troupes de chez toi et les Snagov, du tabac noir aussi, mais plus âpre.
    J’allume une Marasesti qui a la valeur de notre bon vieux
« gros cul » de la guerre de 14 et cela me rappelle des souvenirs.
    — Nous t’accompagnons à ton hôtel, proclame Marinescu.
Ce n’est pas loin, fais attention à ne pas glisser.
    J’aime ce hall garni de boiseries éclairées par des
appliques et j’en savoure les odeurs. L’architecte a su rendre douillet cet
espace en aménageant des petits salons confortables ouverts qui cassent l’ensemble
et s’y marient. Mes amis m’entraînent dans la salle de restaurant. Les nappes
blanches immaculées, la fine argenterie, la verrerie délicate décorent les
tables. Ici encore, on parle le français. Le maître d’hôtel recule les
fauteuils bas en nous invitant à nous asseoir. Les cartes sont distribuées. Je
lis le menu, mais n’ai pas faim. Des mots inconnus attisent ma curiosité.
Marinescu m’explique :
    — La mamaligà ou mamaligutà, ou petite mamaligà est un
plat typique de chez nous. On la sert avec de traditionnelles sarmale, ou, si
tu préfères des boulettes de viande et de riz enveloppées dans des feuilles de
choux baignées dans la crème. Si elles sont bien préparées elles fondent dans
la bouche.
    — Mais qu’est-ce ta
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