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La canne aux rubans

La canne aux rubans

Titel: La canne aux rubans
Autoren: Jean Grangeot
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mamaligà ?
    — Une copie avantageuse de la polenta à base de farine
d’orge. Puis je te suggère, après, une tuica qui fera le trou… ou comme vous le
nommez, en France, le trou normand, un bors. Il y en a trois sortes : une
soupe à base de son fermenté où l’on incorpore du poisson, du lard fumé, des pommes
de terre, et autres légumes de saison. Tu as aussi le bors rouge de Bacovine
qui, à Pâques, est préparé avec des betteraves. Le grec est une soupe aigre au
citron, à l’œuf et à la crème. On dit aussi une Ciorba. Tout ceci, à moins que
tu préfères une grillade de bœuf ou de porc. Si nous étions en été, tu
trouverais au coin des rues des Mititei que l’on fait griller.
    — Qu’est-ce que c’est tes… ?
    — De la chair à saucisses très pimentée. Les Roumains en
sont friands. Si tu préfères des poissons, ils ont ici de la carpe, du sandre,
de l’esturgeon du Danube et de la mer Noire. Après tu peux goûter nos
fromages : le Cascaval, une sorte de Cantal et du Svaiter qui ressemble à
du gruyère. Quant aux fromages à base de lait de brebis : le Telemea ou
l’Urda, ils se prennent le plus souvent en hors-d’œuvre. Si, après cela, tu
veux un dessert, tu pourras goûter nos gâteaux à la crème et au chocolat.
    Cette énumération contribue à m’enlever le courage de
manger. Pourtant je ne veux pas décevoir mes amis. Corneliu, toujours aussi
disert enchaîne :
    — Quant aux vins, nous allons boire un Frâncusa, ou un
blanc de Cotesti ou de Drâgâsani. Si tu prends de la viande, je te recommande
le Dealul Maré. Je te ferai goûter aussi les fameux vins de Murfatlar.
    — Multumese, l’ami. Je ne sais plus quoi choisir. Mon
estomac s’est déshabitué depuis longtemps à de tels luxes. Un petit potage et
un poisson me seront suffisants. Je savourerai les spécialités du pays dans
quelques jours. Je mange du bout des lèvres et bois de même, car il me faut
faire un réel effort pour honorer ce repas offert avec tant de gentillesse. Mes
amis lèvent leur verre et m’apprennent des mots de roumain. Corneliu me dit
Sanatate ! (à votre santé), Marinescu lance Multi ani ! (longue vie).
Tant pis, je bois, je répète leurs mots et je rebois. La salle de restaurant
s’agrandit ou se rapetisse. Je vois deux maîtres d’hôtel dont les gestes
manquent de synchronisation. Mes paupières deviennent lourdes. Comment vais-je
faire pour gagner ma chambre et trouver mon lit ?
    Au matin, lorsque le valet d’étage apporte mon petit
déjeuner, je ne me rappelle plus ce que j’ai fait entre le restaurant et mon
réveil. J’ai dormi comme une bête.
    Aucun cauchemar n’est venu perturber mon sommeil. Ma chambre
est grande, haute de plafond et des tapis ornent les murs. Je me lève et me
dirige vers la salle de bains. Après la toilette, mes yeux, mon estomac, mes
jambes reprennent force et vigueur. Mille Dieux ! comme disait mon gros Ours,
je suis vivant et loin de mon pays. Je bois un café très fort mélangé à son
marc, mais crache cette mixture dans le lavabo. Je m’habille et descends dans
le hall. Un homme, un grand sourire aux lèvres, vient à moi, me tend la main et
se présente :
    — Mon nom est Costica Brunesco. Notre ami Corneliu t’a
parlé de moi hier soir et je t’emmène à la campagne.
    Ma surprise est grande car je ne me souviens de rien. Je lui
fais toutefois bonne figure et le remercie d’être venu à ma rencontre.
    — Le temps n’est pas mauvais. L’hiver, depuis une
semaine, semble moins rude que d’habitude.
    — Tu parles très bien ma langue, mon ami.
    — J’ai travaillé pendant la guerre chez Fives-Lille.
    — Pas possible ! fais-je étonné et ravi. Tu
connais Balme ?
    — Oh oui ! je l’appréciais beaucoup.
    — De quoi t’occupes-tu maintenant ?
    — Retraité des Chemins de Fer Roumains. Je vis à
Bucarest ou dans ma maison à Cimpulung, une station thermale, comme il y en a
beaucoup en Transylvanie, entre Sibiu et Pitesti, à cent-vingt kilomètres de la
capitale. Je viens prendre le relais de Marinescu et Corneliu qui s’excusent
auprès de toi, mais les ministères ont besoin d’eux pendant une dizaine de
jours. Alors, pour ne pas te laisser seul, je t’emmène faire un tour chez moi.
    — Tu es un vieux loup célibataire Costica ?
    Il éclate d’un bon rire avant de me répondre en me faisant
un clin d’œil :
    — Ici je suis célibataire, c’est-à-dire très occupé,
mais à Cimpulung
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