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La canne aux rubans

La canne aux rubans

Titel: La canne aux rubans
Autoren: Jean Grangeot
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j’ai ma femme, sa sœur, trois gosses, ma vieille mère et des
domestiques.
    Costica, intarissable, m’intéresse beaucoup. Je quitte donc
l’hôtel pour le train à la « gara de Nord ».
    — Moi je voyage gratuitement. Je connais tous les chefs
de gare. Tu montes sans billet puisque je réponds de toi, me précise-t-il.
    Cette fuite de Bucarest me déconcerte un moment, mais la
surprise, la curiosité et la gentillesse de mon nouvel ami font le reste. La
nature est saupoudrée de blancheur. La neige tapisse les faces exposées au
nord. Brunesco semble ravi de faire le voyage en ma compagnie. Sa bonne face
lunaire un peu rougeaude, ses mains qui s’agitent comme un Italien mimant les
paroles, ses cheveux blancs peignés à la va comme je te pousse, le timbre de sa
voix forte et ses yeux noirs qui roulent comme les r de son accent, forment à
eux seuls un spectacle gai et attachant.
    — Nous changeons de train à Pitesti. Le chef de cette
gare est charmant et sa Tuica remarquable. Tu vois Adolphe je suis toujours
aussi content de retourner chez moi que d’en partir. À Cimpulung, je me repose
au milieu de ma famille tandis que je vis intensément à Bucarest. J’ai toujours
aimé la femme car je considère que l’homme ne peut se passer de sa présence. Je
me souviendrai toujours d’Antoinette que j’ai connue à Lille. Ah ! mon
ami, tu aurais vu cette belle rousse dont le parfum intime me grisait. Cela ne
m’empêchait de voir d’autres femmes, mais je revenais toujours vers elle.
Qu’a-t-elle pu devenir ? Tiens, nous arrivons à Gaesti. On y fabrique
d’excellents fromages et des gâteaux tout aussi fameux. C’est dommage que nous
nous arrêtions si peu de temps. Tu es marié Adolphe ?
    — Non. J’ai eu des aventures mais épisodiques et sans
lendemain.
    — C’est dommage. Veux-tu boire un peu de Cotnari ?
Comme vous dites en français c’est un vin blanc « distingué ». J’aime
dans votre langue ces petites nuances, ces images. Quel charme, quelle
diversité, quelle richesse ! Il faudra que tu t’achètes un caciula, ou si
tu préfères un bonnet floconneux de fourrure et un gros manteau de peau de
brebis. Avec ça tu ne craindras rien.
    — Qu’est-ce qu’on soigne dans ta ville ?
    — Tu veux parler de la source thermale ? Des
petits ennuis de santé ! La Roumanie possède entre cent et cent-cinquante
sources. Chez moi ce sont les rhumatismes. Chez d’autres le cœur ou la
cirrhose. Mes compatriotes possèdent tout ce qu’on peut désirer pour bien vivre
et éventuellement se soigner après. Autrefois, à Cimpulung, se tenaient de
grandes foires. N’oublie pas que c’était la capitale de la Valachie au XIII e siècle. Actuellement, on y travaille le fer et le bois. Tu vas pouvoir en
prendre plein les yeux.
    Le train un rien nonchalant, arrive à Pitesti. Le chef de
gare reconnaît Costica et vient le saluer. Ce dernier me présente. Un grand
sourire s’affiche sur le visage du responsable. Il me dit quelques mots en
français puis nous fait entrer chez lui. La Tuica est succulente. Je lui en
fais compliment. Nous quittons notre hôte qui regrette que nous ne restions
pas, mais nous devons monter dans un tortillard dont la locomotive ne doit pas
être loin de la retraite. À Cimpulung, l’épouse de Brunesco, accompagnée d’un
enfant de quatorze ans, nous attend sur le quai. Elle se confond en
congratulations à mon égard. Deux chevaux attelés à un traîneau nous emmènent à
leur maison. Je fais la connaissance de la mère de Costica qui parle un
français un peu rude, et des autres membres de la famille. La maîtresse de
maison offre à mes yeux les charmes d’antan tracés sur son visage. Son
amabilité et ses prévenances comblent les griffes du temps. Son regard sombre
très doux, son sourire perpétuel donnent à Elvire une distinction discrète.
Elle a le corps assez trapu et bien enveloppé. Les gosses me regardent comme si
j’étais le Messie. Les domestiques femmes portent des chemises ornées de
broderies rouges ou jaunes dessinant des formes géométriques ou florales rehaussées
de paillettes et de perles de couleur. Les jupes-tabliers sont en tissu de
laine noire, agrémenté d’un décor disposé en rectangle. Une coiffe, ou marame,
en soie grège couvre leur tête. Leurs pieds sont parés de lanières de tissu en
laine blanche remontant sur la jambe et de sandales en cuir au bout recourbé
orné d’incisions. Les hommes portent une
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