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La case de L'oncle Tom

La case de L'oncle Tom

Titel: La case de L'oncle Tom Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Harriet Beecher-Stowe
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anticipé ! Que lui restait-il, à elle ? ses enfants, et la consolation de les élever dans ses vues, avec ses sentiments. Eh bien, après tout ce qu’on a dit de l’éducation, l’homme demeure ce qu’il est par nature, et rien de plus. Alfred était aristocrate au berceau ; à mesure qu’il grandit, toutes ses sympathies, tous ses raisonnements prirent cette direction, et les exhortations de ma mère furent jetées aux vents. Elles pénétrèrent, au contraire, profondément en moi. Jamais elle ne contredisait ouvertement ce que disait mon père ; jamais elle ne semblait différer d’avis avec lui ; mais elle burinait au fond de mon âme, en caractères de feu, de toute la force de sa noble et ferme conviction, l’idée de l’excellence suprême de l’âme humaine. Je la regardais en face avec un respect mêlé d’effroi, lorsque, me montrant le ciel étoilé, elle me disait : « Vois-tu, Auguste ! toutes ces étoiles s’éteindront, mais l’âme du plus pauvre, du dernier de nos esclaves, leur survivra. – L’âme vit autant que Dieu ! »
    « Elle avait quelques vieux tableaux, un entre autres qui représentait Jésus guérissant un aveugle. Ils étaient très-beaux, et me faisaient une vive impression. « Regarde, Auguste, disait-elle ; l’aveugle était un mendiant, pauvre, repoussant à voir ; c’est pourquoi IL ne voulut pas le guérir de loin  ! IL l’appela, et apposa ses mains sur lui . Rappelle-toi cela, mon enfant. » Ah ! s’il m’eût été donné de grandir près d’elle, elle m’eût élevé à je ne sais quel degré d’enthousiasme. – J’aurais pu devenir un saint, un réformateur, un martyr. – Mais, hélas ! hélas ! je la quittai que je n’avais que treize ans, et je ne l’ai plus revue ! »
    Saint-Clair se cacha la figure dans ses mains, et se tut pendant quelques minutes. Enfin il releva la tête, et poursuivit :
    « Quelle pauvre et mesquine prétention que la vertu humaine ! Affaire de latitude, de longitude, de position géographique, jointe aux instincts naturels : un hasard, pour la plupart d’entre nous. Votre père, par exemple, s’établit dans l’État de Vermont, où, par le fait, tous sont égaux et libres ; il devient membre régulier d’une église, diacre ; il fait partie, avec le temps, d’une Société Abolitionniste, et nous regarde tous à peu près comme des païens. Cependant, de constitution, d’habitudes, c’est le duplicata de mon père. Je vois pointer de cinquante façons le même esprit, orgueilleux et dominateur. Vous savez à merveille qu’il serait impossible de persuader à quelques-uns des gens de votre village, que le squire Saint-Clair se croit de la même pâte qu’eux. Le fait est que, bien qu’il soit tombé à une époque de démocratie, et qu’il ait embrassé la théorie démocratique, il est aristocrate de cœur, tout autant que mon père, qui régnait sur cinq à six cents nègres. »
    Miss Ophélia eût envie de contester la vérité de cette peinture ; elle posa son tricot pour commencer : Saint-Clair ne lui en laissa pas le temps.
    « Je sais d’avance ce que vous m’allez dire. Je ne prétends pas qu’ils se ressemblassent exactement. L’un se trouva placé dans une position où tout réagissait contre sa tendance naturelle ; l’autre, dans une situation où tout la favorisait : en sorte que l’un tourna au vieux démocrate, passablement volontaire et têtu ; l’autre, au vieux despote inflexible et arrogant. Si tous deux eussent possédé des plantations à la Louisiane, ils auraient été aussi semblables que deux balles jetées au même moule.
    – Quel garçon irrévérencieux vous faites ! dit miss Ophélia.
    – Je ne veux pas leur manquer de respect, reprit Saint-Clair ; d’ailleurs, vous savez que le respect n’est pas mon fort. Mais, pour en revenir à mon histoire :
    « Mon père en mourant légua toute sa propriété à ses fils jumeaux, mon frère et moi, pour être partagée comme nous l’entendrions. Il n’y a pas sous le soleil une âme plus noble, un homme plus généreux qu’Alfred, en ce qui touche ses égaux. Aussi cette question de propriété fut-elle vidée entre nous sans un seul mot d’aigreur ou de dissentiment. Nous convînmes de faire valoir ensemble ; et Alfred, dont la vie extérieure et les occupations avaient doublé les forces, devint un planteur enthousiaste et des plus prospères.
    « Mais deux ans d’épreuve me

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