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La case de L'oncle Tom

La case de L'oncle Tom

Titel: La case de L'oncle Tom Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Harriet Beecher-Stowe
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service la nature, la Bible, et qui sait encore quoi ! mais, après tout, ni eux ni le monde n’en croient une syllabe. Bref, la chose vient du diable ; et, à mon avis, c’est un assez joli échantillon de ce qu’il sait faire. »
    Miss Ophélia cessa de tricoter et le regarda toute surprise. Saint-Clair paraissait jouir de son étonnement.
    « Vous ouvrez de grands yeux ! Puisque vous m’avez mis sur ce chapitre, j’en aurai le cœur net. Cette institution maudite, maudite de Dieu, maudite de l’homme, quelle est-elle ? Dépouillez-la de tous ses ornements, pénétrez à la racine et au cœur, qu’y trouvez-vous ? parce que mon frère Quashy [35] est ignorant et faible – et que je suis intelligent et fort, – parce que je sais comment m’y prendre, et que je le peux , il m’est loisible de lui voler tout ce qu’il a, de le garder, et de ne lui donner que ce qui me convient. Ce qui est trop pénible, trop sale, trop déplaisant pour moi, sera de droit la besogne de Quashy. Parce que je n’aime pas à travailler, Quashy travaillera ; – parce que le soleil me brûle, Quashy endurera l’ardeur du soleil. Quashy gagnera l’argent, je le dépenserai. Quashy se couchera dans les mares du chemin, afin que je passe à pied sec. Quashy fera ma volonté, non la sienne, tous les jours de sa vie, avec la chance de gagner le ciel à la fin, si je le juge convenable. Voilà, en résumé, tout ce qu’est l’esclavage. Je défie qui que ce soit de lire notre Code noir, tel qu’il existe dans nos livres de lois, et d’en tirer autre chose. On parle des abus de l’esclavage ! hâblerie. La chose elle-même est l’essence de tout abus. Et si la terre ne s’enfonce pas sous nous, comme Sodome et Gomorrhe, c’est que nous en usons encore d’une façon discrète. Moitié par pitié, moitié par honte, parce que nous sommes des hommes nés de femmes, et non des bêtes sauvages, la plupart d’entre nous ne se servent pas, – n’osent pas se servir du terrible pouvoir que nos impitoyables lois mettent entre nos mains. Celui qui va le plus loin, celui qui fait le pire, reste encore dans les limites que la loi lui assigne. »
    Saint-Clair s’était levé, et cédant à son exaltation, il marchait à pas précipités. Son beau visage, d’une pureté de ligne grecque, brûlait du feu de l’indignation. Ses grands yeux bleus flamboyaient, et ses gestes se passionnaient à son insu. Miss Ophélia ne l’avait jamais vu ainsi ; elle le contemplait en silence.
    « Je vous déclare, dit-il, s’arrêtant tout à coup devant sa cousine, – mais que sert de sentir, que sert de parler ? – je vous déclare qu’il y a eu des moments où j’ai pensé que si le pays venait à être englouti, avec toutes ses iniquités et toutes ses misères, je disparaîtrais de bon cœur avec lui. Lorsque, pendant mes tournées de propriétaire, pendant mes voyages sur les fleuves à bord de nos bateaux, j’ai rencontré quelque brute, ignoble, dégoûtante, indigne du nom d’homme, et que je me suis dit : Nos lois l’autorisent à devenir le despote absolu d’autant de créatures humaines qu’il en peut acheter avec l’argent du vol, de la fraude ou du jeu, – quand j’ai vu de pareils êtres en souveraine possession de faibles enfants, de jeunes filles, de femmes, – j’ai été tenté de maudire mon pays, de maudire ma race !
    – Augustin ! Augustin ! vous en avez assez dit, certes. De ma vie je n’ai rien entendu de semblable, même dans le Nord.
    – Dans le Nord, dit Saint-Clair changeant tout à coup d’expression, et reprenant son ton habituel d’insouciance. Pouah ! vos gens du Nord ont le sang glacé. Vous êtes froids en tout. Vous ne pouvez vous décider à maudire à tort et à travers comme nous, une fois que nous nous y mettons.
    – Mais, reprit miss Ophélia, la question est…
    – Oui, assurément, la question est – et c’est une diable de question ! – comment en êtes- vous venus à cet excès de souffrance et de mal ? Eh bien, je vous répondrai avec les bonnes vieilles paroles que vous aviez coutume de m’enseigner les dimanches : « J’y suis venu par le péché originel. » Mes esclaves étaient ceux de mon père, et qui plus est, ceux de ma mère ; maintenant ils sont miens, eux et leur descendance, qui ne laisse pas que d’être un item assez considérable. Mon père, vous le savez, arriva du Nord : il était précisément de la même trempe que le votre, –

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