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La case de L'oncle Tom

La case de L'oncle Tom

Titel: La case de L'oncle Tom Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Harriet Beecher-Stowe
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ses mains, et poussa un gémissement.
    « C’est la malédiction de Dieu sur l’esclavage ! Amère, amère fatalité ! Malédiction sur le maître ! malédiction sur l’esclave ! J’étais folle de prétendre tirer quelque bien de cette source de maux ! C’est péché de garder un esclave sous des lois telles que les nôtres ; je l’ai toujours senti ; je le pensais toute jeune fille, – je le pense encore plus, certes, depuis que j’ai fait choix d’une Église. Mais j’espérais dorer la chaîne : je voulais, à force de bonté, de soins, d’instruction, rendre la condition des miens préférable à la liberté : folle que j’étais !
    – Eh mais, ma femme, vous vous rangez tout à fait parmi les abolitionnistes !
    – Les abolitionnistes ! ah ! s’ils savaient tout ce que je sais, c’est alors qu’ils parleraient ! Nous n’avons rien à apprendre d’eux. Vous savez si jamais j’approuvai l’esclavage, si jamais, de ma volonté, j’ai possédé un esclave !
    – À merveille ! accordez-vous un peu avec nos sages et pieux ministres, dit M. Shelby ; vous souvient-il du sermon de dimanche dernier ?
    – Je me soucie peu de pareils sermons. M. B… fera mieux de prêcher ailleurs que dans notre église. Les ministres ne peuvent peut-être, pas plus que nous, empêcher le mal ou le guérir ; mais, le justifier ! Oh, c’est outrager le bon sens ! Je sais d’ailleurs qu’au fond vous ne faites pas plus de cas que moi de ce sermon.
    – S’il le faut avouer, messieurs nos ministres avancent parfois ce que nous autres, pauvres pécheurs, oserions à peine soutenir. Force est bien à un homme du monde de fermer les yeux sur nombre de choses, et de se faire à ce qu’il ne peut approuver. Mais lorsque les femmes et les pasteurs nous dépassent, et se prononcent si carrément en matière de moralité et de modestie, cela, de fait, me va peu. À présent, du moins, ma chère, je le présume, vous cédez à la nécessité, et convenez que, vu les circonstances, j’ai agi pour le mieux.
    – Oui, oh oui ! dit rapidement madame Shelby tout en maniant sa montre d’un air absorbé. – Je n’ai pas de bijoux de prix, ajouta-t-elle, réfléchissant ; mais cette montre en or vaut quelque chose ; elle a coûté fort cher ; si je pouvais seulement sauver l’enfant d’Éliza ! J’y sacrifierais tout ce que je possède.
    – Je suis peiné, désespéré, en vérité, dit M. Shelby, que vous vous en affligiez si fort ; mais c’est à pure perte ; les contrats de vente sont signés et aux mains de Haley. Il vous faut être contente que ce ne soit pas pire. Cet homme nous avait en son pouvoir. Il ne tenait qu’à lui de nous ruiner complètement, et nous en voilà quittes. Si vous le connaissiez comme moi, vous penseriez que nous l’échappons belle !
    – Est-il donc si dur ?
    – Pas précisément cruel ; mais c’est un homme de cuir ; – marchand dans l’âme, qui ne connaît que le profit ; – froid, déterminé, implacable comme la mort et le tombeau. Il vendrait sa propre mère à vingt pour cent de bénéfice, et cela sans vouloir de mal à la pauvre vieille.
    – Et c’est ce misérable qui est le maître de ce bon et fidèle Tom ! le maître de l’enfant d’Éliza !
    – Brisons là-dessus, ma chère. La chose m’est rude ; je déteste d’y revenir. Haley, qui mène rondement les affaires, prend possession dès demain ; aussi, mon cheval sera-t-il prêt, et je pars à la pointe du jour. Je ne puis voir Tom, non, je ne le puis. Pour vous, ce qu’il y aura de mieux, c’est de faire atteler de bonne heure, et d’emmener Éliza, n’importe où. Il vaut mieux que tout se passe hors de vue.
    – Non, non, dit madame Shelby, je ne serai ni agent ni complice de l’acte. Pauvre Tom, Dieu l’assiste ! Je l’irai voir en sa détresse ; et, quoi qu’il m’en puisse coûter, ils sauront que leur maîtresse souffre pour eux et avec eux. Quant à Éliza ! je n’ose y penser. Le Seigneur nous pardonne ! qu’avons-nous fait pour en arriver là ! »
    Cependant, sans que monsieur et madame Shelby le pussent soupçonner, un tiers les écoutait. Le cabinet qui communiquait avec leur chambre ouvrait sur un corridor ; Éliza, bourrelée d’inquiétudes, renvoyée pour la nuit par sa maîtresse, avait eu l’idée soudaine de se glisser dans ce réduit ; et, l’oreille collée à la fente de la porte, elle n’avait pas perdu un mot de la

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