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La case de L'oncle Tom

La case de L'oncle Tom

Titel: La case de L'oncle Tom Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Harriet Beecher-Stowe
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Vous semblez si tourmentée !
    – J’ai un enfant en grand danger, dit Éliza, je ne l’ai su que de la nuit dernière, et depuis j’ai toujours marché dans l’espoir d’arriver au bac.
    – Là ! c’est vraiment malheureux ! répliqua la femme, dont les sympathies maternelles venaient de s’éveiller. Je suis peinée à cause de vous. Salomon ! » cria-t-elle de la fenêtre.
    Un homme, en tablier de cuir et les mains fort sales, parut à la porte d’un arrière-bâtiment.
    « Dites donc ! le batelier traverse-t-il ce soir avec les barriques ?
    – Il a dit qu’il tâcherait, pourvu que ce fût possible, répliqua Salomon.
    – Il y a, reprit l’hôtesse, à un jet de pierres de chez nous, un homme qui doit traverser, s’il l’ose, pour un transport de marchandises pressées. Il vient ici souper dans un moment ; vous ferez donc mieux de vous asseoir là et de l’attendre. Voilà-t-il pas un gentil petit camarade ! » ajouta la femme, et elle offrit un gâteau à l’enfant. Mais Henri, fléchissant, pleurait de lassitude.
    « Pauvre petit ! il n’est pas habitué à marcher autant, et je l’ai trop fait courir, dit Éliza.
    – Eh bien, reprit la femme, faites-le un peu reposer là-dedans ; » et elle ouvrit la porte d’une petite chambre où se trouvait un lit. La mère y posa son pauvre garçon exténué, dont elle tint les petites mains entre les siennes jusqu’à ce que l’enfant fût endormi.
    Pour la mère, il n’y avait pas de sommeil. Comme un feu adhérent à ses os brûlait en elle la pensée des chasseurs attachés à sa piste ; et elle fixait un regard ardent sur les eaux noires et gonflées qui la séparaient du salut. Mais il nous faut prendre congé d’elle, et revenir à ceux qui la poursuivent.

    * *

    *
    Quoique madame Shelby se fût engagée à faire servir sur l’heure, on vit bientôt, ce qui s’est vu de tout temps, qu’il faut être deux pour faire un marché. L’ordre avait été donné à haute voix aux oreilles de Haley, et porté à tante Chloé par une demi-douzaine de jeunes messagers, auxquels cette grande puissance accorda, d’un air rechigné, deux ou trois hochements de tête bourrus, sans rien déranger de la grave et minutieuse lenteur de ses opérations.
    Par quelque intuition secrète, une impression générale que maîtresse ne serait nullement désobligée d’un délai semblait prévaloir ; et la succession d’accidents qui retardèrent le service fut vraiment miraculeuse. Un infortuné personnage trouva moyen de renverser le jus. Il fallut en refaire, avec tout le soin, toutes les formalités requises. Tante Chloé, en tournant d’un air hargneux le précieux liquide, répondit brusquement à toutes les insinuations de hâte, que ce ne serait pas elle qui, « pour aider à attraper le pauv’ monde, servirait du mauvais jus. » L’un tomba avec les jarres, et il fallut retourner chercher de l’eau à la source ; l’autre précipita le beurre au milieu des hasards. Des rires étouffés parcouraient la cuisine, lorsque arrivaient, par intermittence, des nouvelles de massa Haley : « Il pouvait pas tenir sur sa chaise ; il ne faisait qu’aller et venir de la porte à la fenêtre ! »
    « C’est bien fait ! dit tante Chloé avec indignation. Ça ira pire pour lui, s’il ne s’amende, quand le maître viendra et lui dira de rendre compte ! Faudra voir sa mine, alors !
    – Li aller en enfer, sans faute ! dit le petit Jacquet.
    – Et qu’il l’a fièrement gagné ! répliqua tante Chloé, lui qui a tant et tant brisé de pauv’ cœurs ! c’est moi qui vous le dis, à vous autres, poursuivit-elle, en levant d’un air terrible sa grande fourchette comme un trident ; juste ce que lisait M. Georges dans les Révélations : « Les âmes crient au Seigneur sous l’autel ; elles demandent vengeance ! – Et le Seigneur les entendra, vienne le temps ; – oui, à son dam, il viendra le temps ! »
    Tante Chloé, fort révérée dans son domaine, fut écoutée par tous, bouche béante ; et, comme le dîner était à la fin servi, le personnel de la cuisine s’aggloméra autour d’elle pour l’entendre et commérer un peu.
    « Ses pareils brûlent vifs toute l’éternité, pour sûr : pas vrai ? disait Andy.
    – Moi content, voir rôtir li ! toujours ! toujours ! cria Jacquet.
    – Enfants ! dit une voix qui les fit tressaillir : c’était l’oncle Tom, qui, arrêté sur le seuil, avait

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