La case de L'oncle Tom
côté ? être une raison pour qu’elle aller par l’autre. Moi, avoir cru Lizie prendre la route d’en bas, bonne raison pour qu’elle ait enfilé la route d’en haut. »
Cette profonde vue de la gent féminine ne disposant nullement Haley en faveur du dernier avis de Sam, le marchand demanda si la route d’en bas était proche ?
« Une poussée en avant, répliqua Sam, fermant l’œil qui se trouvait du côté de Andy, et il ajouta gravement : Mais, massa, moi avoir maintenant bien dévisagé l’affaire ; nous pas devoir prendre par là. D’abord, moi pas la connaître du tout cette route d’en bas, un vrai déssert à se perdre, et tomber Dieu sait où !
– N’importe ; je prends la route basse, affirma Haley.
– Eh, j’y songe ! on dit ce vieux chemin tout intervallé de cours d’eau, de criques, de haies ; pas moyen d’y passer ; hors service ; pas vrai, Andy ? »
Andy en avait bien entendu quelque chose ; mais il n’était sûr de rien, n’ayant jamais pris par là. Bref, il ne voulait pas se commettre.
Accoutumé à tenir la balance entre des mensonges plus ou moins patents, Haley penchait pour la vieille route. Il suspectait Sam de l’avoir tout d’abord indiquée inconsidérément, et les tentatives du noir pour le dissuader de la choisir lui semblèrent autant d’impudents mensonges faits, sur plus mûre réflexion, en faveur d’Éliza.
En conséquence, dès que Sam indiqua la route d’en bas, il s’y précipita aveuglément, suivi des deux noirs.
C’était, en effet, l’ancien chemin de la rivière, mais abandonné depuis des années, et qui, frayé seulement à l’entrée, était ensuite coupé de fossés, de baies et de barrières. Sam le savait à merveille, et il y avait si longtemps que cette voie était hors d’usage, que Andy n’en avait jamais ouï parler. Le nègre y entra d’un air d’humble soumission ; seulement, de temps à autre, il gémissait, et vociférait que « c’était diablement rude pour les pieds du pauv’ Jerry. »
« Ah ça, j’ai un avis à vous donner, dit Haley. Je vous sens venir d’une lieue, vous autres noirs ! Avec tous vos embarras, vous espérez me détourner de cette route ? – Bernicles !
– Comme massa voudra, » répliqua Sam la figure allongée, mais, clignant de l’œil avec un redoublement de verve, à son camarade, dont la joie était toujours sur le point de faire explosion.
Sam, fort en train, prétendait être aux aguets : – tantôt il s’écriait qu’il voyait pointer un chapeau de femme au sommet de quelque montée ; tantôt il en appelait à Andy :
« N’était-ce pas Lizie qui se cachait dans ce trou de vallon ? Ces exclamations parlaient toujours aux endroits les plus raboteux, les plus rocailleux de la route, lorsqu’il était très-difficile de pousser les chevaux, et toujours Haley était tenu en haleine.
Après avoir chevauché de la sorte une bonne heure, tous trois, par une brusque descente, arrivèrent tumultueusement dans une large cour entourée de granges. Tous les bras étant occupés dans les champs, il n’y avait personne en vue ; mais la ferme, dont ces granges faisaient partie, barrait la route, qui évidemment se terminait là.
« L’ai-je pas dit ! moi, avoir bien prévenu massa, gémit Sam le noir d’un air d’innocence. Les massa étrangers pouvoir pas connaître le pays comme les neg’s nés natifs de l’endroit.
– Drôle ! s’écria Haley, tu ne le savais que trop !
– Oh ! moi dire tout bien juste à massa : et massa pas vouloir me croire. J’ai dit que c’était tout fermé : barrières, haies, fossés, pas possible de passer. M’as-tu pas entendu, Andy ? »
La chose était trop vraie pour être disputée ; force fut au malheureux marchand de dissimuler sa rage d’aussi bonne grâce qu’il le put, et tous trois, tournant casaque, se dirigèrent vers la route neuve.
Grâce à ces nombreux délais, il pouvait y avoir trois quarts d’heure qu’Éliza avait endormi son enfant dans l’auberge, lorsque le trio atteignit le village. Assise à la fenêtre, la jeune femme regardait dans une autre direction, quand l’œil perçant de Sam la découvrit. Haley et Andy se trouvaient de quelques pas en arrière. Dans cette crise, Sam parvint à faire enlever son chapeau par le vent, et poussa un cri lamentable qui la fit tressaillir ; elle se rejeta en arrière. La petite cavalcade fila le long de la fenêtre et s’arrêta
Weitere Kostenlose Bücher