Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La case de L'oncle Tom

La case de L'oncle Tom

Titel: La case de L'oncle Tom Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Harriet Beecher-Stowe
Vom Netzwerk:
pénètre le plus faible d’une invincible énergie.
    Les bornes de la ferme, les bosquets, le taillis, fuyaient comme dans un rêve, et elle marchait toujours, sans arrêt, sans relâche, voyant disparaître l’un après l’autre tous les objets familiers ; enfin, l’aube rougissante la trouva sur la grande route, ayant dépassé de plusieurs lieues tout ce qui lui était connu.
    Bien des fois elle avait accompagné sa maîtresse lorsque celle-ci allait visiter des parents au village de T…, sur l’Ohio, et elle en savait le chemin. Y aller, traverser le fleuve, là s’arrêtaient ses plans ; après, elle s’en remettait à Dieu.
    Quand les chevaux et les voitures commencèrent à circuler, elle sentit, avec cette rapide perception qui appartient aux situations violentes, que sa marche précipitée, son air éperdu, allaient provoquer des remarques, éveiller des soupçons. Elle remit l’enfant par terre, rajusta ses vêtements, sa coiffure, et marcha aussi vite que le permettait la prudence. Dans son petit paquet se trouvaient quelques gâteaux, quelques pommes, dont elle se servit pour hâter la course du petit garçon. Elle faisait rouler le fruit un peu loin devant lui ; il courait après, et à l’aide de cette manœuvre, elle put gagner encore plus d’une demi-lieue.
    Ils arrivèrent enfin près d’un petit enclos boisé, où murmurait un ruisseau limpide. L’enfant se plaignait de faim et de soif ; elle franchit la haie avec lui, et tapie derrière un rocher qui les défendait de l’œil des passants, elle tira le déjeuner de son mince paquet. Henri se chagrinait de ce que mère ne pouvait manger ; les bras passés à son cou, il s’efforçait de lui glisser dans la bouche quelques bribes de gâteau. Mais il semblait à la pauvre femme que le moindre morceau allait la suffoquer.
    « Non, Henri, non, mon trésor ! maman ne mangera pas que tu ne sois sauvé. Il faut aller, – aller ! – gagner la rivière ! » Et, reprenant aussitôt la route, elle s’efforça de ne pas marcher trop vite.
    Elle avait dépassé depuis longtemps le voisinage immédiat de l’habitation, et, dût-elle faire quelques fâcheuses rencontres, la bonté de la famille à laquelle elle appartenait était trop généralement connue pour qu’on la soupçonnât de fuir. D’ailleurs, elle ne gardait presqu’aucune trace de son origine ; la blancheur de son fils et la sienne devaient écarter la défiance.
    Sur cette présomption elle s’arrêta vers midi à une petite ferme propre et rangée, afin de prendre un peu de repos et d’acheter quelques vivres ; car, à mesure que l’éloignement reculait le danger, la tension de ses nerfs se relâchant, elle sentait croître la fatigue et la faim. La maîtresse du logis, bonne femme, ravie d’avoir quelqu’un avec qui causer, accepta sans objection l’explication d’ÉIiza, qui se disait en route pour aller passer une semaine chez des amis ; assertion qu’elle se flattait de voir peut-être se vérifier.
    Une heure avant le coucher du soleil, épuisée, les pieds au vif, mais forte encore de cœur, elle entrait dans le village de T…, au bord de l’Ohio ; là son premier regard fut pour le fleuve, ce Jourdain qui la séparait de la terre promise, du sol de la liberté.
    On touchait au printemps, et la rivière enflée et bruyante charriait d’énormes glaçons qui oscillaient pesamment au travers des flots bourbeux. La forme particulière de la rive recourbée du Kentucky fait que la glace s’y attache et s’y accumule, rétrécissant le canal où l’eau pousse et entraîne une succession de masses glacées, qui viennent s’entasser l’une sur l’autre et former momentanément une barrière, le long de laquelle glissent de nouveaux glaçons, mouvant radeau, qui va presque rejoindre l’autre rive.
    Éliza contempla un instant ce menaçant aspect, le passage du bac devait être interrompu : pour plus d’information elle entra dans une petite auberge voisine.
    L’hôtesse était tout entière aux préparatifs du souper ; mais elle se retourna, la fourchette en main, à la voix douce et plaintive qui demandait :
    « N’y a-t-il plus de traille pour passer les gens qui vont à B… y ?
    – Non, vraiment, dit la femme, les bateaux ne marchent plus. »
    L’expression de désolation et de terreur d’Éliza frappa la brave hôtesse, et elle reprit :
    « Peut-être avez-vous grand intérêt à traverser ? – Quelqu’un de malade ? –

Weitere Kostenlose Bücher