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La chambre maudite

La chambre maudite

Titel: La chambre maudite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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glotte tandis qu’il maintenait sa tête en arrière. Des larmes lui piquaient les yeux, mais elle ne se débattait plus. C’était trop tard. Il avait déversé en elle suffisamment de poison pour la tuer. Elle était vaincue. Il ne lui restait plus qu’à espérer que cela aille vite.
    Elle ferma les yeux. Chazeron jeta le flacon à terre et déchira d’un geste l’encolure de son bliaud, dénudant ses épaules et sa poitrine.
    « Mourir. Vite ! » songea-t-elle tandis que déjà son corps la brûlait.
    Elle imagina que c’était à cela que probablement sa mère avait pensé tandis qu’il se repaissait d’elle.
    Il empoigna ses seins à pleines mains en grognant :
    –  Peut-être vas-tu mourir, peut-être pas ! Tu es moitié louve, tout est donc possible. Nous allons attendre, ma belle. Comme autrefois. Je suis sûr que tu as aimé ça !
    Il nicha ses lèvres dans l’échancrure de ses seins tandis qu’une sueur froide la glaçait tout entière. La douleur grandissait en elle, emmêlant ses idées dans un vertige qui l’éloignait du désir pervers et fou de cet homme.
    C’est alors qu’il la lâcha et recula, hagard.
    –  La marque, lâcha-t-il comme s’il venait de comprendre soudain, tu ne portes pas la marque !
    Il se souvenait à présent. Le blason des Chazeron. Le sceau du plaisir qu’il appliquait sur le sein gauche de ses victimes avant de les prendre. Outre que cela l’excitait, il veillait ainsi à ne pas risquer de sacrifier ses propres bâtards lorsqu’il enlevait des jouvenceaux pour ses expériences, en reconnaissant le décolleté de leur mère. Il oubliait vite le visage des jouvencelles dont il se satisfaisait, qu’elles soient consentantes ou non.
    –  Tu n’es pas Isabeau ! lâcha-t-il, blanc comme un linceul.
    Loraline redressa la tête péniblement, cette tête si lourde à porter. Elle eut le courage d’un rire cruel :
    –  Vous avez refusé de le croire, mon père ! Mais cela n’a plus d’importance. Vous venez de me libérer de vous !
    –  Non, non, rugit-il en reculant.
    L’idée qu’il venait d’assassiner sa propre fille l’ébranlait, non par l’ignominie de son geste mais parce qu’il venait sottement de gâcher en elle ce liquide précieux qu’il avait en vain cherché sa vie durant. Pour rien. Elle était trop humaine pour le distiller à bon escient.
    Dans un ultime sursaut de lucidité, il revint contre elle et demanda en la secouant :
    –  Ta mère ! Dis-moi où est ta mère ?
    Mais Loraline ne répondit pas. Qu’aurait-elle pu répondre d’ailleurs ? Elle avait l’impression que son corps s’écartelait tandis qu’à l’endroit de sa nuque où s’élargissait la touffe de poils gris une fulgurante brûlure la transperçait.
    Chazeron s’écarta d’elle. Loraline se mourait et son souffle même lui donnait la nausée. Il tambourina contre la porte et abandonna sa victime en donnant l’ordre à la garde de n’entrer sous aucun prétexte.
     
    Loraline se laissa tomber à genoux. Elle avait l’étrange sensation que la douleur serait moindre ainsi, même si c’était absurde. Des spasmes violents la secouèrent au point de la faire vomir à plusieurs reprises. Mais ce n’était pas cela qui l’affligeait le plus, c’était cette sensation qu’une main invisible broyait chacun de ses os pour les remodeler.
    C’est alors qu’il vint. Cythar. Mû par cet instinct merveilleux des animaux, il avait achevé de pousser la pierre. Il s’approcha d’elle en gémissant et lui lécha le visage.
    Loraline s’enroula en fœtus autour de lui. Tandis qu’il nichait sa tête sauvage dans son cou, elle avisa un trousseau de clés dans la poussière. Elle tendit une main tremblante en songeant que Chazeron avait dû le perdre en la violentant. Dans un sursaut d’orgueil, elle les essaya tour à tour dans la serrure de son collier jusqu’à s’en délivrer. Puis elle se laissa glisser avec la certitude que cette mort n’était qu’un commencement.

20
     
     
     
    Ce 3 août 1516, Isabeau se fit conduire auprès de l’abbé du Moutier sitôt descendue de voiture, l’ample capuchon de sa capeline de soie rabattu sur ses traits. Elle était venue seule, abandonnant son bel amant dans le sillage fort actif du roi de France. Elle ne tenait pas à le mêler à tout cela. Pas avant d’avoir vu sa fille. Pas avant de lui avoir demandé pardon. Elle avait failli se rendre directement à la grotte en passant par l’église

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