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La chambre maudite

La chambre maudite

Titel: La chambre maudite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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de Saint-Jehan-du-Passet, mais s’était résolue à l’avis d’Antoine de Colonges qui tenait à arbitrer la confrontation entre les trois femmes. Seule sur ses traces, Bertille avançait au rythme de ses petites jambes.
    Isabeau eut un sourire en pénétrant dans le cabinet du saint homme. Rien n’avait bougé. Elle, pourtant, était différente. Quelques instants plus tard, Antoine de Colonges ouvrit la porte et écarquilla les yeux de surprise.
    –  Isabeau, par Dieu tout-puissant, est-ce bien vous ?
    –  Je le crois, mon père, et voici Bertille rencontrée au service de l’abbé Boussart et gardée au mien.
    L’abbé s’approcha d’elle et l’embrassa paternellement sur le front.
    –  Vos lettres me le disaient, mon enfant, mais je n’aurais su y croire autant que je le vois. Vous êtes rayonnante.
    –  Je ne peux en dire autant de vous, mon père. Vous me semblez si fatigué, si las, tant amaigri.
    –  Hélas, laissa-t-il choir. L’hiver dernier fut rude pour ma vieillesse naissante, sans compter…
    Il poussa un soupir à fendre l’âme, avant de puiser un sourire avenant dans sa mémoire :
    –  Vous devez avoir grand faim. Je vais vous faire préparer quelque pitance. Vous savez qu’il y a toujours gîte et couvert pour les hôtes de passage. Nul ne songera à vous demander quoi que ce soit. La règle de notre ordre est formelle.
    –  Fort bien, mon père. Cela dit, sans repousser votre hospitalité, j’aurais à cœur de régler au plus tôt l’affaire qui me ramène ici.
    –  Oui, oui, affirma-t-il. Je vais faire prévenir Albérie.
    –  Je pourrais m’y rendre moi-même, objecta Isabeau en s’avançant jusqu’au passage qu’elle avait emprunté la fois dernière pour fuir.
    L’abbé du Moutier l’arrêta d’un cri :
    –  Non !
    Isabeau le regarda, intriguée. Au front de l’abbé naissaient des perles de sueur. Il s’empara de son bras et tempéra :
    –  Il serait fort dommage d’abîmer votre mise dans la crasse des souterrains. Prenez collation et repos, le temps que votre sœur vienne à vous. Lors, nous agirons.
    –  Soit, mon père ! Vous avez toujours été prévenant à mon égard.
    Elle se laissa guider vers le réfectoire, mal à l’aise pourtant, sans pouvoir s’en expliquer la cause. Elle mit cela sur le compte du voyage et de son angoisse de se retrouver face à sa fille et ne songea plus qu’à se restaurer. De fait, elle avait grand faim.
     
    Les deux sœurs s’étreignirent longuement avant de se contempler l’une l’autre dans le cabinet de l’abbé où Antoine avait ramené Isabeau. Albérie portait d’épais cernes sous les yeux, et n’arborait qu’un pâle sourire tandis qu’elle complimentait son aînée sur son teint, sa coiffure, sa mise.
    Isabeau sentit grandir son malaise jusqu’à ce qu’il éclate en ses mots :
    –  Que me cachez-vous l’un et l’autre ?
    Un silence pesant tomba sur la pièce. Aucun n’osait commencer. Isabeau abattit son poing sur le bureau et Albérie tressaillit.
    –  Faut-il que je me rende à Vollore moi-même pour glaner la vérité ?
    –  Ce ne sera pas nécessaire, ma sœur. Assieds-toi, je vais tout te raconter.
    Antoine de Colonges fit glisser sur le plancher des chaises qui crissèrent dans le silence. Isabeau entendait cogner les battements fous de son cœur. Elle avait envie de demander où se trouvait sa fille, mais n’osait pas. Tout cela était absurde.
    Albérie s’éclaircit la voix dans un raclement de gorge, laissant le temps à Bertille de s’installer auprès d’Isabeau à même le sol et de glisser sa petite main dans la sienne à titre de réconfort.
    Elle lui raconta l’hiver, la première tentative avortée pour tuer François de Chazeron. L’intervention de Huc, sa liaison avec Antoinette et l’enfant qu’elle portait. Le choix de François de se terrer à Vollore jusqu’au printemps et la deuxième tentative de Loraline pour l’occire, oubliant sciemment de révéler l’existence de Philippus et de l’enfant que Loraline avait porté. Il suffisait bien d’avoir à lui avouer leur impuissance. Isabeau tremblait, serrant de plus en plus fort la menotte de Bertille qui ne disait mot pourtant.
    Albérie raconta encore la méprise de François, le marché qu’il avait passé avec Loraline : sa vie en échange de l’or. Ensuite, elle ignorait réellement ce qui s’était produit. La nuit suivante, après que François de Chazeron s’était

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