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La chambre maudite

La chambre maudite

Titel: La chambre maudite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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suffit, s’apaisa François sans pouvoir se détourner des courbes douces d’Isabeau que soulignait une robe d’un sobre vert amande. Mais tu ne voudrais point déplaire à ton seigneur, métayer ?
    –  Non pour sûr, messire ! Nous ne manquons de rien sur vos terres et je ne saurais me plaindre. Fort au contraire, vous louer me siérait bien, s’empressa Armand, trop heureux d’avoir évité le courroux de Chazeron.
    A ces mots, le seigneur de Vollore consentit à détacher son regard de la croisée et le planta dans celui du pauvre hère soudain moins rassuré. Il détacha de sa ceinture une bourse de cuir et fit choir deux pièces d’argent sur la table devant laquelle ils conversaient. Armand roula des yeux ronds tandis qu’elles se stabilisaient entre eux dans un tintement prometteur.
    –  Tu en feras usage pour ces tourtereaux, mon ami. Prends ! Allons ! Prends, insista François l’œil vicieux.
    Armand hésita un instant, puis, incapable de résister, s’empara des écus et s’empourpra.
    –  Votre Seigneurie est bien bonne pour ces enfants.
    –  C’est pourquoi je veux être remercié par la gentillesse de ta fille, métayer ! Je l’attendrai au château de Montguerlhe sitôt la cérémonie achevée. J’entends pour ce prix qu’elle soit encore pucelle, cela va sans dire, acheva François, cynique, nullement ému par le visage décomposé d’Armand qui retournait les pièces entre ses doigts comme si elles le brûlaient soudain.
    –  Oubliez cette enfant, seigneur François, ou de grands malheurs s’abattront sur vos terres, chuchota derrière lui une voix usée.
    François de Chazeron se retourna, furieux, et avisa une vieille femme qui, se fondant au noir de l’âtre dans ses vêtements de veuve, n’avait pas attiré son attention lorsqu’il avait pénétré dans la cuisine.
    –  Qui es-tu pour oser t’élever contre les désirs de ton maître ? gronda François sans aucun respect pour les mains ridées croisées sur un tricot inachevé.
    –  C’est ma belle-mère, messire, intervint Armand comme pour l’excuser. Il ne faut pas s’inquiéter de ses dires…
    –  Tais-toi, fils ! Oublies-tu ce que tu me dois ?
    L’espace d’une seconde la voix s’était faite grave.
    Armand tremblait, autant du pouvoir de l’aïeule que du regard noir de son seigneur.
    –  Je suis Amélie Pigerolles, fille de la Turleteuche, dite la Turleteuche moi-même, prononça l’aïeule comme un défi.
    François de Chazeron tiqua. La Turleteuche, cette sorcière que des notables avaient assassinée en 1464, quinze ans avant sa naissance. Si le coupable avait été puni d’un pèlerinage à Saint-Claude auquel il avait apporté un cierge de quatre livres, la malédiction de la malheureuse l’avait rattrapé quelques semaines plus tard. Il était mort le visage boursouflé dans d’atroces souffrances. Plus d’une fois dans son enfance François en avait entendu le récit. Il haïssait les sorcières. Il haïssait ceux qui s’opposaient à lui. Il s’obligea pourtant à radoucir son ton.
    –  Es-tu sorcière toi aussi ?
    –  Non point, messire, non point. Seul le surnom m’a été transmis. Mais ne prenez pas à la légère la folie d’une vieille femme…
    François éclata d’un rire mauvais. Il lui suffisait de claquer des doigts pour que cette folle termine ses jours dans les flammes. Il se leva et se planta entre eux, fier et rude.
    –  Je veux le pucelage de cette jouvencelle, métayer, et je l’aurai ! Songe pour les tiens qu’il vaut mieux que ce soit de gré que de force !
    Sur ces mots, le seigneur de Vollore sortit d’un pas vif, croisant sans baisser la tête Isabeau qui rentrait en chantonnant et qui s’acquitta d’une révérence.
     
    Isabeau s’écroula en pleurant entre les genoux de sa grand-mère, sans un regard pour son père qui, le nez dans son col, venait de lui ordonner de se soumettre à la volonté de leur seigneur. L’aïeule passa une main fine sur la tresse châtaigne qui ramenait les longs cheveux d’Isabeau sur ses seins hauts et durs.
    –  Cesse de geindre, fillette, murmura-t-elle, Dieu te sauvera de ce démon.
    Isabeau croyait à la fois en Dieu et aux dires de sa grand-mère qui l’avait élevée depuis que sa mère était morte en mettant au monde sa jeune sœur Albérie. Mais elle ne parvenait à chasser de son esprit une crainte qui confinait à l’épouvante.
    Dès le lendemain, elle s’en alla trouver Benoît, son

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