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La chambre maudite

La chambre maudite

Titel: La chambre maudite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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épaules d’Armand, dans la grande salle du corps de garde.
    Il s’était efforcé de retenir ses coups, mais Armand ne se releva pas. Huc fit rapporter le corps à Fermouly et s’inclina respectueusement devant l’aïeule. Elle le fixa sans haine. Peut-être sentit-elle combien il s’écœurait de devoir servir le rejeton indigne des précédents seigneurs de Vollore avec la même dévotion, la même obéissance aveugle.
    –  Je suis contraint d’emmener Albérie, mais je veillerai à ce qu’aucun mal ne lui soit fait. Vous avez ma parole, murmura-t-il, en se raclant la gorge.
    L’aïeule ne répondit rien, ne broncha pas seulement d’un doigt dans le recoin de l’âtre. Elle attendait son heure, l’heure où le monstre de Montguerlhe paierait.
    Huc de la Faye prit la main d’Albérie dans la sienne et lui tendit de quoi moucher ses larmes. Un instant l’enfant se rebella, une haine violente dans ses prunelles d’un bleu métallique pour celui qui venait d’assassiner son père ; puis, serrant les dents et rengainant sa rage, elle se laissa conduire vers l’imposante forteresse de pierre.
     
    Ils avaient tout d’abord longé la grand-route pour mettre le plus de distance possible entre François de Chazeron et leur misérable destin. Ils avaient l’un comme l’autre évité de réfléchir, s’enivrant de ce parfum de liberté qui n’était qu’un leurre, nourri depuis deux semaines par la fragile espérance qu’il était possible de lui échapper. Benoît avait dérobé à contrecœur les économies de son père et préparé leurs maigres baluchons, tandis qu’Isabeau donnait le change auprès des siens. Ils espéraient parvenir jusqu’à Lyon et pour ce faire avaient pris les meilleurs ânes de la ferme, qu’ils épuisèrent sur le chemin avant de continuer à travers bois, malgré les loups qui risquaient de les surprendre, malgré les malandrins qui pouvaient les détrousser, malgré leur peur à chaque pas.
    Pendant deux heures, ils eurent le sentiment d’être seuls au monde, prisonniers de leur folie et de leur amour, puis Benoît capta le bruit de sabots en nombre. Ils se cachèrent en contrebas de la route et, abandonnant leurs montures, s’enfoncèrent dans les taillis épais. Isabeau ne disait rien, ne se plaignait pas malgré les ronces qui décoiffaient sa tresse et égratignaient ses jambes, malgré les branches rompues qui la faisaient trébucher. Elle allait sans penser, le souffle court, les yeux perdus. Perdus plus encore lorsque les premiers aboiements leur parvinrent aux oreilles.
    Ils forcèrent l’allure, passant dans les cours d’eau pour perdre l’odeur que leur sueur excessive renvoyait aux chiens, jusqu’au moment où, éreintée, Isabeau tomba et se mit à pleurer en massant sa cheville. Alors Benoît s’agenouilla auprès d’elle et prit doucement ses lèvres asséchées par la course.
    –  Sauve-toi, chuchota-t-elle. C’est moi qu’il veut. Il te laissera tranquille.
    –  Jamais. Le défier c’est mourir, ricana-t-il dans un sanglot retenu.
    –  Alors ne le laisse pas me prendre, supplia Isabeau tandis que les cris des rabatteurs s’approchaient au milieu des aboiements des chiens.
    Benoît déglutit péniblement, chercha dans le regard de son aimée le moindre doute, mais il n’y lut que le reflet de son amour intense et pur.
    –  Il n’aura aucun de nous vivant, affirma-t-il.
    Il se dressa résolument et dégagea le long couteau qu’il avait martelé en songeant à cette dernière extrémité.
    –  Ferme les yeux, amour, chuchota-t-il.
    Isabeau les ferma, mais la mort ne vint pas. Lorsqu’elle les rouvrit au tintement de l’acier sur la pierre, Benoît vacillait sur ses jambes massives, une flèche piquée entre ses omoplates. Isabeau se dressa, hurlant. Derrière Benoît, à quelques mètres, une arbalète à la main, cruel et satisfait, le seigneur de Vollore souriait.
     
    Elle avait cessé de geindre, cessé d’avoir peur, cessé de respirer et de vivre, même si son cœur résolument continuait de battre, ses yeux de voir, et son sang de se mélanger à celui de cet homme.
    Elle avait cessé d’être depuis qu’ils avaient pendu Benoît, déjà agonisant, devant ses yeux. Pour l’exemple, avait claironné François de Chazeron. On ne brave pas ; le seigneur. On ne résiste pas aux droits du seigneur.
    Benoît s’était laissé mourir tristement, vaincu par l’évidence de sa condition. Résigné dans l’âme, dans les

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