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La chambre maudite

La chambre maudite

Titel: La chambre maudite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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promis qu’elle aimait d’amour tendre. Il s’activait à émoudre des couteaux au rouet et fut bien aise d’apercevoir la silhouette d’Isabeau accompagnée de la Mirette, une chienne basse et brune. Lorsqu’il avisa son minois envahi de larmes jusqu’en le vert moussu des yeux, il l’entraîna à l’écart de ses comparses. Là, il reçut son aveu en tremblant. Il resta un moment silencieux, puis, reniflant une rage indomptée, il prit ses mains dans les siennes chaudes et rugueuses. Isabeau se sentit rassérénée, mais cela ne dura pas. Benoît inspira profondément, lutta un instant contre lui-même et lâcha, piteusement.
    –  Il faut nous soumettre, Isabeau.
    Elle voulut se dégager, comme brûlée par ces paroles, mais Benoît resserra son étreinte et, malgré l’extrême pâleur de la jeune fille, poursuivit tristement :
    –  Tu connais l’usage autant que moi. C’est son droit, Isabeau ; le braver c’est la mort. Le braver, c’est la mort ! répéta-t-il comme pour se convaincre lui-même.
    –  Je préfère mourir, alors ! lâcha Isabeau d’une voix blanche. Il est vil et cruel, il me fait horreur, malgré sa prestance !
    –  Il est le maître, Isabeau. Nous lui appartenons quoi que nous fassions. Nous sommes ses manants. Je te ferai oublier ! Nos enfants te feront oublier !
    –  Nos enfants, Benoît ?
    Isabeau planta son regard désespéré dans celui du coustelleur.
    –  Comment oublier si je devais porter et nourrir son bâtard ?
    –  Si tel était le cas, ta grand-mère le ferait partir, cet enfant du démon, siffla Benoît entre ses dents.
    Isabeau éclata en sanglots, chercha une nouvelle fois à se dégager, mais Benoît l’attira contre lui.
    –  Je t’aime, Isabeau. Plus que tout au monde. Mais le braver c’est la mort ! La mort ! répéta-t-il encore.
    Depuis son enfance, il n’avait entendu que ces mots, cette phrase essentielle que tout vilain ne devait jamais oublier, cette soumission sans réserve jusqu’au renoncement de sa dignité, de son désir. Et face à elle, il y avait la détresse d’Isabeau, toute la beauté d’Isabeau, toute sa lumière, son rire probablement défunt à jamais, son innocence tollue 1 et, plus que tout, cette confiance qu’il trahissait en la livrant à la perversion de François de Chazeron. Alors, la lèvre gonflée d’avoir mordu sa propre rage, il lâcha dans un souffle :
    –  Nous fuirons, Isabeau ! Sitôt la bénédiction, nous fuirons. Je te sauverai de lui, mais nous serons perdus !
     
    François de Chazeron éclata en une colère sourde. Il avait attendu Isabeau, s’imaginant avec délectation à quels désirs il allait la soumettre, tant cette damoiselle hantait ses journées maussades.
     
    1 Enlevée, perdue

Car, depuis quinze jours, l’enquête sur le garou stagnait. Demain serait la pleine lune, et son prévôt envisageait de tendre un piège à l’animal. François s’était bien gardé de l’en dissuader mais avait prévenu qu’on ne bernait pas Satan et qu’il repartirait pour Vollore quel que soit le dénouement de cette affaire. Or donc, si pour se distraire il participait à des battues avec ses gens d’armes, flambeau au poing, il songeait davantage à la chair tendre d’Isabeau qu’au cuir de loups introuvables.
    C’est pourquoi il avait attendu qu’elle vienne s’agenouiller devant lui, sitôt que les cloches de l’église avaient carillonné. Il lui avait concédé le temps de profiter des siens au sortir de l’église devant le banquet que ses écus avaient payé. Mais cela faisait trois heures à présent qu’il avait béni les époux et, au lieu d’Isabeau, c’était Huc de la Faye qui s’était présenté.
    –  Ils ont disparu, messire.
    –  Fais bastonner le père ! Il dira bien où sa fille se cache.
    –  Il a semblé autant surpris qu’effrayé. D’ailleurs, c’est lui qui est venu me quérir en découvrant que les enfants avaient fui. Je le crois trop lâche pour être dans la manigance.
    –  Fais-le bastonner tout de même ! gronda François en tapant du poing sur une table qui se trouvait à portée. Et dis-lui que si je ne parviens pas à retrouver son aînée je livrerai sa cadette aux gardes de Montguerlhe. Va ! Et ne t’avise pas de discuter mes ordres. Cette petite peste paiera et si ce n’est elle ce sera quelqu’un des siens !
    Huc de la Faye se garda de tout commentaire, mais ce fut sans plaisir qu’il rompit le bâton sur les

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