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La chambre maudite

La chambre maudite

Titel: La chambre maudite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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gènes. Il payait. C’était normal.
    Mais Isabeau ne parvenait pas à l’admettre. Voilà pourquoi elle était morte en même temps que lui. Elle avait brisé son souffle avec le soubresaut de la corde. Pas de procès, pas de justice. Juste la loi du plus fort. La loi du maître. La loi ignoble de l’orgueil.
    Alors, elle avait tout oublié, tout et plus encore. La colère de François, sa perversité, ses yeux fous, ses mains tour à tour douces et brutales, ses ongles carnassiers. Elle n’avait rien senti, rien entendu, rien inspiré. Elle était morte dans le dernier regard de Benoît.
     
    − Vous vouliez un appât pour votre garou ! Qu’on la couvre d’un mantel de moine et la jette sous les tours de Montguerlhe dans la forêt !
    Huc de la Faye ravala la colère qui faisait battre son sang depuis qu’il s’était avancé dans la chambre où voilà plus d’une heure que François de Chazeron torturait et violait Isabeau. Comme elle n’avait pas crié, il l’avait cru morte, mais le long des joues blêmes s’épanchaient des larmes silencieuses. Il eut envie de l’emmener loin, de la soigner, tant il se souvenait sans peine de la joyeuse et belle jouvencelle qu’elle avait été avant ce jourd’hui.
    Il baissa la tête et se tut. Le braver, c’était la mort. Lui aussi avait compris. Elle méritait de s’endormir à jamais, car il n’imaginait pas que l’on puisse survivre à cela.
    S’approchant du lit souillé de sang, il prit le corps nu dans ses bras. Sur le sein gauche d’Isabeau, tuméfié par le fer rougi, le sceau des Chazeron le nargua comme une injure à sa lâcheté. Il se mordit la lèvre pour ne pas crier et sortit de la pièce, pesneux 1 à jamais.
    Après avoir ordonné à ses archers plantés au sommet de la tour de guet d’achever Isabeau dès qu’un loup s’approcherait d’elle, il se rendit d’un pas précipité vers les communs où Albérie pleurait dans le giron de Jeanne, l’imposante cuisinière.
    Il l’en arracha doucement et parvint à convaincre l’enfant qu’il fallait la mettre hors d’atteinte de la folie du seigneur, tant, au moins, qu’il serait en ces lieux. Au moment de l’emmener à l’abbaye du Moutier, une pensée soudaine arrêta son élan. Et la grand-mère ? Cette Turleteuche que François n’aimait pas ?
    Huc de la Faye réprima un juron. Il enleva prestement la fillette et, tandis que François de Chazeron surveillait l’ombre de sa victime du haut de la tour ouest de Montguerlhe, il galopa ventre à terre vers Fermouly pour apaiser ses remords.
    Là pourtant, il dut se rendre à l’évidence : aucune trace de l’aïeule, comme si elle avait fini par s’évaporer dans l’angle de l’âtre.
    1 Honteux

En découvrant son tricot à terre, devant la chaise qu’on avait tirée hors du foyer, il crut un instant que François de Chazeron avait devancé son geste, mais il renonça vite à cette idée. Il n’en aurait pas chargé un autre que lui. De plus, il était bien trop occupé à châtier Isabeau pour se préoccuper des siens.
    Interrogée, Albérie répliqua d’un sourire méprisant, comme si elle était gardienne d’un secret inviolable. Huc de la Faye n’insista pas. L’aïeule, il en fut convaincu, était en sécurité. Dès lors, il ne songea plus qu’à protéger l’orpheline.
    Isabeau n’aurait su dire à quel moment elle avait senti le froid. Ce fut bref et violent à la fois, douloureux, ça oui, infiniment douloureux. Elle leva la tête. Au milieu des nuages noirs qui s’agglutinaient, s’apprêtant à crever sur l’Auvergne, la lune pleine souriait dans son pardon d’albâtre.
    Isabeau s’avisa qu’elle se trouvait à plat ventre, dans la boue d’un ruisseau, au-delà de la dernière enceinte du château, sans souvenir autre que les yeux cruels de François au-dessus des siens, tandis qu’il labourait son ventre en grognant.
    Ce fut cette douleur-là qui la ramena à la vie. Au même instant, un éclair zébra la nuit furieuse, illuminant une ouverture dans la paroi montagneuse. Et presque aussitôt, l’averse s’abattit sur ses plaies, comme pour nettoyer l’injure. Elle eut encore l’impression d’être cassée, brisée, ravagée de toutes parts, mais peu lui importait.
    Tandis que ses doigts accrochaient la boue pour ramper vers l’asile de la grotte entr’aperçue, un seul mot, un seul, apaisa ses blessures.
    Vengeance. Vengeance.
     
    Lorsqu’un hurlement sauvage attira son attention,

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