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La chambre maudite

La chambre maudite

Titel: La chambre maudite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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tant sa faiblesse de plus en plus grande le penchait jusqu’à basculer dans le baquet souillé.
    –  Je le supposais mieux, s’apitoya Antoinette devant la loque que constituait son époux, finalement rendormi, épuisé, la bouche ouverte, le corps secoué par intermittence de tremblements. Que s’est-il passé, messire Philippus ? demanda-t-elle, sincère.
    Mais Philippus préféra n’en rien révéler. Il se contenta d’affirmer que toute rechute était possible à ce stade de la maladie. Tous étaient suspects dans la demeure et il avait bien remarqué que la dame s’inquiétait plus du prévôt que de son époux. Il se borna à lui demander si les gémissements du malade ne l’avaient pas éveillée, mais Antoinette lui répondit qu’elle se souvenait à peine s’être couchée tant elle avait dormi d’une traite. Lorsqu’elle ajouta qu’elle avait sans doute trop sommeillé car elle s’était éveillée la bouche amère, il supposa que, comme lui, elle avait été droguée, mais il se garda de toute conclusion hâtive. Si elle trempait dans cette affaire, elle prétendrait tout et n’importe quoi pour l’égarer. Il la reconduisit, insista pour qu’on ne le dérange pas et qu’on excuse son absence à l’office. François avait besoin de repos, et Philippus préférait le veiller dans l’hypothèse vraisemblable d’une nouvelle crise.
    Antoinette se rangea à son avis, trop heureuse de quitter cette pièce à l’odeur pestilentielle. Philippus confia au garde le soin de vider et nettoyer le baquet, puis procéda à l’inspection méthodique de la chambre, appuyant sur toutes les pierres saillantes ou suspectes, mais il ne trouva rien. Il se força au calme.
    Lorsque François s’éveilla quelque cinq heures plus tard, il paraissait mieux et Philippus put l’interroger. Avait-il rêvé durant son sommeil ?
    –  Comme souvent depuis que ce mal m’obsède. Une ombre se penche sur moi et m’assure de dormir en paix, qu’elle veille sur moi.
    Philippus dut contenir sa joie pour ne rien laisser paraître.
    –  Vous est-elle familière ?
    –  Qui ?
    –  Cette bonne fée ?
    –  Par Dieu, je l’ignore, messire. J’ai l’impression que ses traits ne me sont pas inconnus et cependant j’ai le sentiment d’une étrangère. Comme si elle était là près de moi depuis toujours, dans l’ombre, à veiller sur chacun de mes pas. De fait, je la devine et l’entends plus que je ne la vois. Je ne saurais dire qui elle me rappelle et encore moins si je souhaite me souvenir d’elle. Mais je suis certain d’une chose : ce n’est pas une bonne fée.
    Philippus tiqua :
    –  Qu’est-ce qui vous fait dire cela ?
    François eut un rire désabusé.
    –  Vous m’avez ouvert que vous partagiez mes élans alchimiques, messire. En ce cas vous devriez savoir que l’or ne coule pas des forges du Seigneur. Sous mon lit se trouve un coffret. Prenez-le.
    Philippus se pencha et prit la boîte ouvragée. François ramena dans sa main la chaîne qui pendait à son cou et en dégagea la clé qu’il tendit au médecin. Philippus fit jouer la fermeture et émit un sifflement devant la coulée d’or refroidie en une forme étrange. A mots comptés, François de Chazeron lui raconta l’épisode tragique. Philippus l’écouta sans rien dire, caressant d’un doigt songeur la surface lisse et mate du métal.
    –  Je me suis longuement demandé à quoi me faisait penser cette étrange sculpture. Aujourd’hui je le sais. Retournez-la !
    Philippus s’exécuta et l’évidence lui sauta aux yeux. Le hasard avait façonné l’ébauche d’un profil. Un profil monstrueux au front surmonté d’une corne.
    –  J’ai eu besoin de preuves quand ce message était limpide. J’ai fait analyser l’or, je n’ai pas cru en « lui ». J’en paie le prix, messire. Je souffre comme un valet indigne, et son messager vient s’assurer que je n’en meurs pas. Non, pas avant qu’il ait jugé sa punition suffisante.
    Philippus se garda de tout commentaire. Il ne croyait pas davantage à l’œuvre du diable qu’au pouvoir divin de la prière. Ses pérégrinations lui avaient enseigné que les réponses se trouvaient à la portée de l’homme pour peu qu’il accepte de les chercher. Il connaissait bien ce type de langage. Bon nombre d’alchimistes prétendaient avoir conclu un pacte avec Satan pour atteindre le Grand Œuvre. Sans doute le croyaient-ils vraiment, du moins ceux qui ne voyaient

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