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La chambre maudite

La chambre maudite

Titel: La chambre maudite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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plus tôt afin que la transformation ne les écartèle pas, puis s’habilla en claquant des dents. Comme chaque hiver, elle éprouva une difficulté intense à lacer son corsage tant ses doigts gelés refusaient de lui obéir, puis, finalement, laissa choir sur ses épaules son mantel épais. L’entrée du passage était là tout près, à quelques pas, qu’elle franchit en traînant les jambes. Une seule pensée l’obsédait désormais. Huc. Huc l’attendait. Ainsi qu’il le faisait toujours. Il serait là, la prendrait dans ses bras et la bercerait tendrement jusqu’à lui faire croire qu’il ne s’était rien passé. Oui, il serait là. Elle se raccrochait à cette évidence. C’était la seule qui l’aidait à vivre. Tandis qu’elle progressait lentement au long du corridor de pierre qui remontait jusqu’à la forteresse, elle se l’imaginait souriant, apaisant et attentionné. Il masserait ses doigts gourds avec un onguent, et ses pieds aussi jusqu’à ce que les engelures ne soient plus qu’un mauvais souvenir, de même que le reste. Ils ne parleraient pas. Le silence était leur univers complice, bien plus que les mots. Huc la comprenait. Huc l’aimait. Huc l’attendait.
    Et pourtant, à chaque pas la rapprochant de lui, une sourde angoisse ébranlait ses certitudes. Il avait changé depuis qu’elle s’était refusée une ultime fois. Elle avait le sentiment que l’amour de son époux était immuable, mais était-ce le cas ? Ne lui avait-elle pas par cet aveu ôté ses derniers espoirs ? Huc n’aurait pas d’héritier. Cela comptait pour lui. Albérie posa la main sur l’anneau. Derrière le mur se trouvait sa chambre. D’ordinaire il était tiédi par les flammes de la cheminée de l’autre côté du passage. Là, il était froid. Cela faisait si longtemps qu’elle n’y venait pas, qu’elle n’entretenait pas la braise. Elle passait la plupart de ses nuits dans la grotte avec Loraline, pour l’assister, veiller à ce qu’elle ne faillisse pas. Elle l’avait promis à sa sœur. Elle hésita, le cœur battant, les lèvres serrées. Et si Huc l’avait oubliée cette fois ? S’il n’était plus là ? N’y pouvant tenir davantage tant elle était épuisée, elle tourna l’anneau. Le panneau de pierre pivota. Elle le vit aussitôt, à la lueur de la chandelle, et son cœur désemparé bondit de joie. Huc était là. Elle lui sourit et s’avança dans la chambre pour venir se blottir dans ses bras.
    Tandis qu’il la serrait contre lui, elle se gorgea de son odeur familière pour retrouver son identité, ses repères. C’est alors que son sang réchauffé se figea. Elle renifla encore jusqu’à être certaine qu’elle ne se trompait pas. Sur son corps glissait un autre parfum. Elle eut envie de le repousser, de le gifler et de s’enfuir, mais elle ne broncha pas. Non, elle ne broncha pas. Huc l’avait trompée. Avec Antoinette de Chazeron, une fois de plus, ceux-là avaient volé, détruit ce qui lui appartenait, à elle et aux siens.
    Huc la berçait doucement, caressant ses cheveux encore humides et cassants. Elle s’abandonna aux larmes qui montaient sans qu’elle puisse rien y faire. Il ne questionnerait pas. Il ne questionnait jamais après. Alors elle pleura, cherchant dans son cou sans le trouver un endroit où son odeur ne serait pas mêlée à celle de sa rivale. Puis lentement elle s’apaisa. Huc l’avait trompée, mais il était là. Il n’était donc pas trop tard. Cela la réconforta. Elle se haïssait toujours autant, mais en cette heure elle haïssait bien plus sincèrement Antoinette de Chazeron.
     
    La matinée se passa sereine. À l’office que célébrait le frère Bertin, dépêché chaque hiver pour que Montguerlhe ne soit pas abandonné par Dieu, Albérie se risqua à examiner plus attentivement Antoinette. Dans la petite chapelle qui jouxtait le donjon, tous se rassemblaient avec encore plus de ferveur depuis que François était malade. Albérie se mordit la lèvre de sa sottise. Comment avait-elle pu ne rien remarquer ? Antoinette était radieuse sous le masque apparent de son tourment. Son ventre s’arrondissait doucement, et Albérie serra les poings sur le sien qu’elle s’obstinait à vouloir stérile. Mais plus que tout c’était son regard qui trahissait Antoinette. Toutes les fois qu’elle le posait sur le prévôt, il s’éclairait comme si on y avait allumé un cierge. Elle aimait Huc de la Faye, c’était évident. Mais

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