La chance du diable
actuellement garantir cette sécurité. L’Allemagne le peut encore, si elle envoie les criminels au diable tant qu’il en est encore temps, les punit, et que l’Angleterre et l’Amérique lui permettent de liquider la guerre avant un effondrement. L’exigence d’une reddition sans conditions est un obstacle à cette issue [...].
L’Allemagne observe avec satisfaction que l’Amérique continuera de s’intéresser aux affaires européennes après cette guerre. L’Allemagne est convaincue que prétendre que l’Amérique cherche à prendre pied en Europe ou en Afrique ne tient pas debout. Nous ne croyons pas non plus réellement qu’en Amérique on imagine un tant soit peu sérieusement d’administrer l’Allemagne avec les forces américaines, de réformer ses écoles ou de refaire de l’Allemagne un pays sain. Si nous, Allemands, qui luttons pour sauver notre patrie d’une faillite morale et physique, étions des matérialistes sans conscience, nous pourrions accepter calmement cette intention américaine, qui nous a été communiquée plus d’une fois. Car il apparaîtrait vite que c’est une solution coûteuse pour l’Amérique, dangereuse et finalement irréalisable. Autrement dit, l’Amérique assumerait la responsabilité totale de la misère en Allemagne et de la reconstruction du pays, et soulagerait ainsi l’Allemagne de ce fardeau. Or, pour des raisons idéalistes, nous rejetons fermement l’idée qu’un autre peuple se charge de notre santé [...].
Il ne faut pas non plus perdre de vue que l’Amérique ne contribuera pas éternellement à la sécurité de l’Europe contre la Russie. Et il nous semble donc que l’heure est enfin venue de réaliser la communauté d’intérêts pour laquelle des Anglais clairvoyants et des Allemands intelligents se battent depuis plus de cinquante ans [...].
Il nous semble que l’union des Européens dans une fédération européenne est indispensable. L’objectif d’un tel dispositif doit être de sauvegarder l’Europe contre toute répétition d’une guerre européenne. Toute guerre européenne est un suicide pur et simple. L’heure est venue de traduire cette pensée idéaliste en réalité, car la réalité de la situation conforte l’idéal.
Nous recommandons de procéder par étapes :
Un conseil économique européen, qui siégerait en permanence, devrait se préoccuper d’abord d’éliminer les obstacles au commerce, de mettre en place des règles de circulation et des règles commerciales uniformes, de supprimer les frontières douanières, etc. Quand ce processus sera assez avancé, seront fondées des organisations politiques communes ; par exemple :
— un ministère européen de l’Économie
— une armée européenne
— un ministère européen des Affaires étrangères.
Il ne sera pas difficile de s’entendre sur les détails. Nous sommes prêts à tous les degrés de coopération, y compris à une méthode plus rapide si elle se révèle utile. En tout cas, l’indépendance et la liberté de décision de chacun des pays membres forment la seule base possible d’une communauté européenne.
La paix en Europe doit être assurée par un processus d’arbitrage, où toutes les décisions se fondent sur le consentement commun [...].
Au-delà de l’Union des peuples européens, le monde a besoin de la coopération de tous les peuples. À défaut, telle ou telle grande nation sera exposée au marasme, au chômage et à la pauvreté. Cette détresse d’un pays ne manquera pas, à son tour, d’avoir des répercussions sur les autres. La coopération exige que, pour commencer, chaque pays mette de l’ordre dans ses finances. Car la solidité des finances publiques est le premier préalable d’une devise stable. La stabilité des monnaies est à son tour la condition sine qua non du rétablissement du commerce mondial. En principe, ce commerce devrait être aussi libre que possible – les modalités devant en être débattues et précisées. Afin d’accélérer cette évolution, une banque mondiale est nécessaire. Nous avons pris connaissance avec grand intérêt des suggestions Anglaises et Américaines en ce domaine, et nous y voyons une bonne base sur laquelle nous sommes assurément disposés à coopérer.
Quant à la future constitution politique de l’Allemagne, nous pouvons dire certaines choses avec certitude et en esquisser d’autres à grands traits.
Cet État futur garantira à
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