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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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peut même plus le trouver elle-même.
    — Quand je vais raconter ça à Jean-Charles, dit l’avocat.
    Ti-Georges bâilla. Il s’ennuyait ferme. Il eut une idée.
    — Connaissez-vous l’histoire des patates ? dit-il.
    — Bon, Ti-Georges a envie de nous conter une joke  ! fit François-Xavier.
     On en a pour toute la journée.
    — Est pas longue ! C’était une fois deux vieilles bonnes femmes qui s’en vont
     dans le champ de patates pour ramasser, ben, des patates comme de raison. A
     s’appelaient Gertrude pis Germaine. Pis là Gertrude pis Germaine, a ramassent
     des patates pis des patates…
    — T’as dit qu’elle était pas longue…
    — Bateau François-Xavier, laisse-moé la conter ! Ça fait que Gertrude pis
     Germaine ramassent des patates pis des patates, pis tout à coup, la Gertrude a
     sort de la terre deux grosses bateau de patates. A les montre à Germaine en
     disant : « Regarde, on dirait les couilles de mon Joseph ! » Germaine, a les
     trouve ben grosses. A répond : « Oooohhh, y a les couilles grosses, ton
     Joseph ! » Gertrude a dit : « Ben non, mais elles sont aussi sales ! »
    Le tavernier et les autres clients qui avaient écouté la blague éclatèrent de
     rire à l’unisson avec Henry et François-Xavier. Même Albert se permit un
     rictus.
    Ah, lieu béni que ces tavernes où l’on pouvait tout se permettre !
    — Ti-Georges, t’as pas d’allure, lui fit remarquer son beau-frère.
    — J’en connais une ben plus salée, dit Ti-Georges voulant continuer à divertir
     son public.
    François-Xavier l’en empêcha.
    — Ah non ! on a pas le temps, Léonie doit nous attendre dehors.
    Le tavernier fut bien peiné de voir les quatre hommes se lever etquitter son établissement. C’était payant des clients comme ce
     Ti-Georges qui mettait de l’ambiance. Ça buvait solide pis ça faisait boire les
     autres… Il alla ramasser les verres sales. En ricanant il se dit qu’il faudrait
     qu’il se souvienne de cette farce de couilles sales !

    Léonie n’était pas au rendez-vous. Elle s’était recueillie longuement à
     l’Église et n’avait pas vu le temps passer. Elle ne comprenait pas les signes du
     Seigneur et priait avec ferveur afin que son maître l’éclaire. Elle croyait être
     revenue sur le bon chemin. Elle pensait qu’en aidant son prochain, elle réparait
     ses fautes. Elle eut un frisson. Albert la dégoûtait. Elle ne supportait plus
     ses airs mielleux. Hypocrite ! Comment avait-elle pu être aussi aveugle ? se
     répétait-elle. Il avait bien caché son jeu et son double visage. Qu’allait-elle
     faire ? Elle faisait tout ce qui était en son pouvoir pour gagner du temps. Si
     elle avait été convaincue que cette demande lui venait du Seigneur, elle serait
     déjà remariée à l’heure qu’il était. Mais elle n’avait pas vu le signe divin.
     Peut-être était-ce le Malin qui mêlait les cartes… « Seigneur, faites-moi
     seulement un signe et j’accepterai votre volonté ». Elle se releva et s’apprêta
     à sortir du saint lieu. Elle n’aurait jamais le temps d’acheter le chapeau
     d’Albert, se dit-elle. En passant près du tronc, elle décida tout à coup de
     faire un don à la paroisse. Avec un doux sentiment de vengeance, elle enfouit
     tous les billets qu’Albert lui avait remis dans la petite fente prévue à cet
     effet. Son cher fiancé ne lui avait-il pas dit d’en faire bon usage ?

    La célébration du soixantième anniversaire de naissance de Léonie eut lieu le
     dimanche après-midi suivant. Hélas, c’était une journée pluvieuse et les enfants
     ne pouvaient jouer dehors. Julianna, qui avaitprévu dresser une
     grande table à l’extérieur et imaginé une scène champêtre digne des grands
     dîners bourgeois, dut se rendre à l’évidence que ses projets étaient à l’eau.
     Tôt le matin, le nez à la fenêtre, elle avait espéré que le temps se dégagerait,
     mais les paroles de monsieur Dallaire et le ciel plombé ne lui avaient pas donné
     beaucoup d’espoir. La veille, au crépuscule, elle s’était rendue demander
     conseil à son voisin. Celui-ci était reconnu pour prédire le temps sans se
     tromper. Il avait cloué une petite branche de saule sur le coin de son hangar.
     D’un seul coup d’œil, il était évident que l’appareil météorologique pointait
     vers le bas. Prenant son rôle très au sérieux, monsieur Dallaire s’était penché,
     avait

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