Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
Vom Netzwerk:
pris une poignée de terre entre les mains, l’avait laissée tomber, se
     releva, avait humé l’air des quatre points cardinaux, vérifié la couleur de la
     ligne d’horizon, écouté le bruit des insectes et des animaux, fait craquer ses
     doigts un à un avant d’annoncer officiellement à sa jeune voisine que le
     lendemain « avait apparence de pluie pis que ça lâcherait pas de la
     journée ».
    — Pour une fois, le bonhomme Dallaire aurait pu se tromper, maugréa Julianna à
     l’adresse de Marie-Ange.
    — Y faut faire avec la température ma p’tite sœur. Tu sais ce qu’on dit : août
     sans pluie fait maigrir la vache.
    — J’avais prié pour qu’il fasse beau pourtant ! Une neuvaine pour rien !
    — C’est le cas de le dire ! Déranger le Bon Dieu pour si peu.
    — J’ai invité le curé ! On aura pas assez de place.
    — Fais pas simple, Julianna, la maison est en masse grande pour caser tout ce
     beau monde.
    — J’ai donc l’impression que ça va mal tourner cette fête-là...
    — T’as-tu fini de bougonner ? Y faudrait se mettre à l’ouvrage pour que tout
     soit prêt tantôt.
    — On pourra même pas ramasser des fleurs pour la décoration... continua à se
     lamenter Julianna. Pis y va falloir manger en dedans, faire deux tablées, pis on
     va avoir les enfants dans les pattes, pis avecmes relevailles
     on a tourné les coins ronds dans le grand ménage, pis...
    — Julianna, arrête tes jérémiades, c’est toé qui fais pleurer le ciel !
    Marie-Ange s’approcha de sa sœur et tendrement l’enlaça.
    — J’te reconnais pas, t’as plus de rebondi que ça d’accoutumée ! Depuis quand
     ma sœurette se laisse décourager par un peu de pluie ?
    Julianna déposa sa tête au creux de l’épaule de son aînée.
    — Chus ben fatiguée à matin, Marie-Ange... J’ai pas accouché d’un bébé facile.
     Léo, y est pas fort pour faire ses nuits pis je me suis levée souvent pour
     surveiller la tourtière.
    — J’viens d’aller lever le couvercle. A va être bonne sans bon sens.
    — C’est le mets préféré de marraine.
    — Le mien itou, surtout avec du lièvre dedans.
    — J’espère qu’y va y en avoir assez d’une. On aurait dû en faire cuire
     deux !
    — Est ben suffisante ! J’ai eu de la misère à la rentrer dans le four.
    — Monsieur le curé est un bon mangeur, Henry aussi…
    — Tes invités en manqueront pas ! Y a-tu d’autres choses qui te
     chicotent ?
    — Ben…
    — Ben ? demanda Marie-Ange en sentant l’hésitation.
    Julianna baissa la voix pour ne pas se faire entendre de sa marraine qui
     dormait à l’étage. Léonie partageait la chambre de Marie-Ange. Monsieur Morin
     avait pris celle de Pierre et Henry, celle de Mathieu. Avec Jean-Baptiste, les
     garçons, chassés de leurs lits, étaient allés dormir avec leurs sœurs.
    — Comment tu trouves monsieur Morin et marraine ? Il me semble qu’y sont pas
     heureux...
    Marie-Ange savait ce que voulait dire Julianna. Depuis presque une semaine que
     la grande visite de Montréal était arrivée et onavait déjà hâte
     qu’ils repartent, enfin, que monsieur Morin s’en aille...
    — C’est comme la pluie, Julianna. Tu y peux pas grand-chose. Va dans ta chambre
     te recoucher un peu, je prends toute en main à matin. Y reste presque pus rien à
     préparer avant de partir à la messe. Le plus gros est fait.
    Marie-Ange prit sa sœur par les épaules, la fit pivoter et la poussa doucement
     vers la chambre. Celle-ci ne résista pas et s’en retourna au lit rejoindre
     François-Xavier qui profitait de ce seul matin pour paresser un peu. La plus
     vieille des sœurs Gagné regarda sa cadette refermer la porte derrière elle.
     Julianna n’ayant pas été élevée avec eux, Marie-Ange avait découvert cette
     personnalité au caractère changeant au cours des dernières années. Au début,
     elle avait mis cela sur le compte de l’enfantillage que d’être rayonnante un
     jour et sombre l’autre. Puis, à force d’apprendre à connaître Julianna, elle
     avait compris que ce n’était pas vraiment du caprice, mais plutôt de la
     sensibilité. Sa sœur était comme la branche de saule de monsieur Dallaire. Si
     tout n’était pas parfait autour d’elle, si les oiseaux ne chantaient pas, elle
     perdait sa vitalité et courbait la tête tandis que les autres jours, elle
     rayonnait. Julianna était ainsi, il fallait que le soleil brille dans

Weitere Kostenlose Bücher